Cette semaine l’actualité littéraire musarde, s’attarde à des auteurs qui ont, depuis la rentrée littéraire, marqué les esprits sans pour autant faire partie des favoris pour les prix. a j’écoute la suite sur le teaser audio.

 

Avant que ne commence pour de vrai les semaines des prix, vos suppléments musardent un peu profitant de ce repli de l’actualité pour chercher quelques œuvres parmi les réussites les plus surprenantes de la rentrée. Surprenantes ? pas tout à fait car il a bien fallu un éditeur qui croie en ses auteurs, et les défende comme Sabine Wespieser par exemple ou bien encore Michel Chandeigne pour son engagement permanent dans les lettres portugaises.

 

Les Unes :

Cependant C’est le Monde des livres qui fait  l’événement cette semaine : avec Le journal pour Anne et la correspondance qui l’accompagne, c’est du bruit dans la mare voire un pavé dans le Landerneau ! Il y a peu, à l’occasion de la publication de sa biographie, on s’interrogeait sur les qualités littéraires de François Mitterand, certains pour déplorer qu’il n’ait pas écrit ses mémoires, d’autres pour s’interroger :  était-il bien écrivain ? Et l’on découvre en fac-similé les étonnantes pages de ce journal qui saisit la vie amoureuse dans tous ses épanchements et qui révèle un Mitterrand sorti du calcul se livrant à travers des textes et des pages de collages qui semblent, à première vue, témoigner aussi d’une incroyable jeunesse.  Jean Birnbaum souligne que ce collage pourrait bien être la marque de l’autre manquant dans l’amour.

 

 Sabine Audrerie ouvre Livres &idées avec le livre de Valerio Romao (Chandeigne)Autisme. Titre simple mais, dit la critique « Si ce terme est parfois dévoyé dans le langage courant, (…) il peut néanmoins prendre son sens pour chacun, dans toute solitude forgée non par une maladie mais par l’incompréhension, l’habitude, la peur, et s’incarnant dans des situations quotidiennes ; celles que l’on dit, elles, normales. » Un roman de la famille qui cherche une réponse à la question comment vivre ?

Dans le cahier livre de Libération de samedi il est aussi question du livre de Valerio Romao, mais c’est Gonçalo M. Tavares qui est en Une. (Matteo a perdu son emploi (Viviane Hamy)  roman dans lequel le destin de vingt-six personnage bascule comme dans une parfaite théorie des dominos. On trouve également un entretien avec Valter Hugo Mae l’auteur du Fils de Mille hommes :  « La littérature est le moyen que j’ai pour ausculter la manière d’être des autres »

Marcher, c’est la une du Figaro qui cherche un sens littéraire (et le trouve) à cette activité. De cantiques de l’infinistère (François Cassingena-Trévedy, Desclée de Brouwer), le moine qui parcourt l’Auvergne à Sur les chemins noirs (Sylvain Tesson parcourt la France, Gallimard.) il est surtout question ici de spiritualité et de grâce.

 

 

Les auteurs de la rentrée…

Après le  Monde la semaine dernière voici que le Figaro littéraire rend hommage à Edna O’Brien par la plume de Christophe Mercier même si pour sa part ce n’est pas la fable contemporaine, tribunal de la Haye en tête, qui le séduit mais plutôt l’évocation de la vie de l’héroïne « nouvelle madame Bovary dans une Irlande étouffée », il n’en reste pas moins que son séducteur, Vladimir Drogan, inspiré directement par le personnage de Karadzic montre bien à quel point nous sommes ici dans la fable « même les enfants l’adorent, qu’il conduit dans la campagne à la recherche de champignons ».

Imbolo Mbue continue de séduire la critique avec Voici venir les rêveurs (Belfond).Marie Soyeux pour L&i nous prévient « Voici venir un auteur plein de promesses » elle ne relève pas moins la golden story de la romancière elle-même que son style : « Cette désynchronisation progressive jette sur les événements des couleurs et des ombres contrastées, fait ressortir la voix de cette femme l’espoir d’intégration se double d’un désir d’émancipation professionnelle ». Deux familles gravitent ici autour du rêve américain sur fond de crise boursière et dans une Amérique assez peu solidaire.

La Chanson douce de Leïla Slimani a eu le droit à toutes les chroniques et la voici appréciée par Patrick Grainville dans le Figlitt. Celle qui « peut perturber son phrasé classique et fluide, comme celui des contes, pour dire le pire. » est une Lilith littéraire dont on sent bien qu’elle le fascine plus qu’elle ne l’inquiète. L’auteure, il est vrai rapporte lemeurtre d’un enfant par sa nounou « parfaite », une fable typique de notre époque.

 Côté chroniqueurs : du positif, rien que du positif cette semaine

C’est le Libé des historiens cette semaine, mais c’est dans la  chronique de Bruno Frappat que l’on retrouve le livre d’Arlette Farge (Albin Michel) La révolte de Mme Montjean dont on dit beaucoup de bien en cette rentrée. Ecrit à partir  d’un journal (aux allures de mémoire pour aller en justice)  trouvé aux archives sobrement intitulé Plaintes d’un mari trompé, le récit d’Arlette Farge rapporte la curieuse frénésie qui s’empare de la femme de l’artisan Montjean et qui la conduit à mener pendant quelques mois une vie complètement dissolue : « Elle ne pense qu’au libertinage, aux ripailles arrosées, aux fiacres coûteux convoqués à la moindre occasion. » Mais si le mari décrit il n’est pas écrivain pour autant et on ne saura rien de plus sur les pensées et les motivations de la dame, en proie à ce bovarysme aigu.

John le Carré a encore écrit un roman, Le tunnel aux pigeons nous dit Etienne de Montety qui insiste sur sa dimension littéraire : John le Carré « n’est pas seulement un ancien des services, c’est un écrivain. » Pour relater des « histoires de sa vie , l’écrivain est bien décidé à supplanter le mémorialiste »

 

Eric Chevillard aime décidément de nombreux ouvrages de la rentrée littéraire et par exemple celui de Marie NDiaye, La cheffe (Gallimard) : « Elle a bien raison. « Cheffe » est un mot tout à fait recevable, heureux pour l’œil et pour l’oreille autant que pour notre sens de l’égalité. Il nommerait parfaitement Marie NDiaye elle-même, qui a écrit tant de beaux livres. » Le point d’entrée de sa chronique ce seront donc les nouveaux noms féminins plus ou moins bien venus dans la langue. Le critique s’efface devant l’œuvre qu’il présente assez sobrement. Qu’on se rassure, on e retrouve à la sortie : lorsqu’il esquisse le  parallèle entre la cheffe et  l’auteur  qui « souhaite que l’on goûte son travail mais se sent humiliée et même « ravagée de honte » quand elle obtient une étoile. Tiens donc… la petite cuisine d’un prix décerné dans un grand restaurant serait-elle si peu ragoûtante et digeste ? » Une allusion sans doute.

Le seul portrait de la semaine est celui d’Ali Zamir, réfugié récent mais déjà auteur qui tend à prouver que dans tout groupe humain à qui on veut apprendre la langue afin qu’il se comporte bien, se trouve au moins un écrivain en puissance qui renforce, par les situations qu’il décrit, les images qu’il montre et la nouveauté qu’il réussit à mettre en œuvre, la nécessité de prêter l’oreille aux demandes de tous ceux qui fuient sans voix. Les Commores, Mayotte, une littérature des territoires les plus reculés est en train d’émerger. Dans le Monde des livres. (Anguille sous roche, Le Tripode.)