Cette semaine, tandis que la rentrée littéraire française se poursuit doucement, les auteurs venus de plus loin comme Salman Rushdie (annoncé) et ceux du festival America font entendre leur voix. (la suite sur le teaser audio)

Les auteurs de la rentrée poursuivent leur tournée des suppléments. Cette semaine on retrouve Laurent Gaudé dans L’Huma qui avoue qu’il « y aura un  avant et un après Écoutez nos défaites ». Ne serait-ce que parce qu’il a rencontré lui-même la réalité affrontée par certains de ses personnages sur le terrain (on serait tenté de dire qu’il accomplit le chemin inverse de celui de Mathias Enard) et parce qu’il s’est ouvert sérieusement au souffle poétique; comme le dit Sophie Joubert pour l’Humanité « Irrigué par le souffle des poètes rebelles, traversé par des thèmes chers à Laurent Gaudé (…) Écoutez nos défaites est un roman puissant et politique qui ose affronter la douleur du monde et se clôt sur un doux murmure, antidote aux temps obscurs. »
Jean-paul Dubois est aussi en tête de ce palmarès, Unes de La Croix et de Libé ce samedi, son drôle de Succession en dit peut être long sur l’héritage du roman en France. Entre médecine et pelote basque, celui qui se voit contraint de poursuivre l’oeuvre (médicale et inquiétante) de son père pourrait tout à fait servir de métaphore à un « repreneur » de la littérature. « Comment, interroge Jean Claude Raspiengeas s’y prend cet écrivain pour agencer ses drôles de livres, chroniques intimistes et désabusées sur des antihéros, promenant une lassitude comique subissant l’absurde avec une résignation mélancolique, presque insensibles aux intempéries de l’existence ? » (l’Olivier)

 

Libération s’intéresse ce jeudi à l’Amérique ou plus exactement à toutes les Amériques du festival America dont il est le partenaire. Sabrina Champenois consacre donc un long article à Megan Abott (Avant que tout se brise, Le Masque) roman curieux sur le quotidien d’une jeune gymnaste, entraînement et vie de famille compris : « je ne sais pas si les personnages féminins sont plus complexes – dit l’auteur – je suis en revanche sûre qu’ils sont sous-explorés dans la ficiton. Et, j’estime qu’en Amérique, on se sent encore profondément menacés, en tant que cultures, par certains aspects du désir de l’adolescente et plus globalement par le désir féminin. » Quelques écrivains américains du nord (un sextett) sur une double page avec notamment The Girls d’Emma Cline (Quai Voltaire) qui s’annonce décidément comme l’un des romans phares de la rentrée et qui retrace la vie (fictive) d’une fille qui suit un gourou à la Manson dans les années soixante-dix.
Mais l’auteur qui se détache nettement c’est Marlon James et son roman de 864 pages intitulé Brève ( !) histoire de sept meurtres. L’auteur y raconte la tentative de meurtre contre Bob Marley dont le nom n’est jamais cité (« le chanteur »). Les tueurs, au nombre de sept et qui appartiennent à des gangs locaux participent également à la lutte électorale dans le camp de la droite locale, on les suit jusqu’à leur fin. Le roman s’étend à l’ensemble de la vie jamaïcaine et ses blessures : « Aux hommes revient le privilège de blesser les femmes, à celle-ci l’intelligence de la situation. » nous dit ainsi Virginie Bloch-Lainé. Les personnages de Marlan James s’expriment sans détours  confirme Emmanuel Romer de l’Humanité : « Autant prévenir, certains passages sont crus certaines scènes parfois à la limite du supportable mais l’auteur veille à ne jamais faire preuve de complaisance. » Pas si facile.

Au-delà des Amériques, les auteurs étrangers se sont frayés un chemin dans cette rentrée et notamment Salman Rushdie avec son nouvel opus foisonnant deux ans huit mois et vingt huit nuits et qui raconte à la manière des mille et une nuits, l’invasion de notre monde par des ifrits, mauvais génies, accompagnés d’une armée de stupides serviteurs zombies ; « Rushdie, nous dit Stephane lançon, c’est Schehérazade, une Schéhérazade anglo-indienne transplantée depuis vingt ans par les sombres caprices de l’Histoire à New-York » Il reste que c’est avant tout cette destinée qui l’a fait connaître en France (Actes Sud). C’est aussi le cas d’Imbolo Mbue, avec Voici venir les rêveurs qui cumule les suffrages, comme émigrée camerounaise, qui vit à Manhattan et travaille dans la finance, et, a reçu la plus grosse avance (un million de dollars) pour son manuscrit pourtant inachevé. Il reste que le roman qui interroge les inégalités de conditions soulève l’enthousiasme de la critique.

 

Du côté des chroniqueurs

Etienne de Montety suit la carrière de Bruno Duteurtre et de son Livre pour adultes (Gallimard) curieux ouvrage, tout en collages et qui saisit essentiellement le temps qui passe, sur des sujets parfois parfaitement triviaux « Il sait aussi que le culte du rond-point et du réverbère n’a pas faibli dans les villages de France, que la normalisation hygiéniste ne rend pas les armes, que la sottise se porte plutôt bien. Mais l’âge venant, il les voit peut-être avec plus d’indulgence. ».« Ce livre décourageant est néanmoins un très beau roman où la littérature dévoile le meilleur sens de ses techniques et de son utilité » nous dit Bruno Frappat dans son analyse du roman de Yasmina Reza Babylone (Flammarion). «Investigation subtile de la psyché et de la société » renchérit d’ailleurs Alice Ferney dans le Figaro littéraire.

Enfin Stéphane Audeguy et L’histoire du lion personne sont accueillis cette semaine par Éric Chevillard dans son feuilleton, il tient à suivre l’auteur : « La grande originalité de Stéphane Audeguy est précisément de de choisir pour personnage un sujet on historique par nature, pourrait-ont dire, et même non romanesque, n’en déplaise à Joseph Kessel. » (Seuil, « Fiction & Cie).