Cette fois c’est la rentrée littéraire (teaser audio…)

 

Il ne faut pas croire que la rentrée littéraire (ainsi appelée parce qu’elle coïncide avec la rentrée des classes) se déroule en un jour.. Semaine après semaine, jusqu’aux prix et particulièrement le Goncourt,  la cohorte des écrivains se présente en rangs successifs, comme pour une revue d’effectifs.

 

Les unes de la rentrée Rentrée littéraire : on retrouve donc en une, Laëtitia, le roman d’Ivan Jablonka pour La Croix tandis que 14 juillet d’Éric Vuillard occupe celle de l’Huma. D’un côté, à propos d’un fait divers sordide, un écrivain-spécialiste des sciences sociales qui dit parler de la fin des hommes (c’est le shous-titre) « comme la fin au sens d’objectif, de but, parce que Laëtitia a été une proie au sens large, y compris d’hommes politiques. Ou alors au sens de « fin du monde, le crime dans lequel elle a disparu étant d’une noirceur absolue, comme s’il marquait la fin d’une civilisation. » Et qui adopte dans cette perspective une démarche « J’ai traité le fait divers comme un objet d’histoire (…)C’est le rôle des sciences sociales d’interroger ces pouvoirs et contre-pouvoirs. ». D’un autre côté le « reportage après coup sur la journée du 14 juillet » comme le dit Muriel Steinmetz dans les colonnes du Rendez-vous des livres. Le livre d’Éric Vuillard « se donne pour tâche de mettre des noms et des visages sur la foule, dont on ne sait généralement rien sinon qu’elle est la foule .» Là s’arrête la convergence avec Jablonka Françoise Dargent pour le Figaro nous prévient « Le romancier refuse fermement la posture de l’historien. « Il faut écrire ce qu’on ignore » assène-t-il encore un peu plus loin » avant de conclure « Une manière très personnelle de tailler des croupières à l’Histoire. On appelle cela la liberté du romancier. Vuillard n’a pas fini de la chérir. »

Cette semaine on retrouve aussi Natacha Appanah (Gallimard) dans la Croix (après l’Humanité) ; son roman sur Mayotte développe, à travers la métaphore de l’adoption, un discours radical sur la misère et l’exclusion dans ce nouveau département français, un échec institutionnel en somme. A l’opposé (quoique) Solange Bied-Charreton est présente dans le Figaro La Croix et le Monde des livres avec Les visages pâles (Stock) roman dans lequel elle décrit l’effondrement des valeurs dans les familles  modernes (mais réacs) : un lent délitement des personnages englués dans le déterminisme propre à une époque souligne Astrid de Larminat tandis que Loup Besmond de Senneville note  « la plume acérée à la limite de l’aigreur » .Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’auteur qui a été journaliste à Valeurs actuelles ne prêche pas pour sa paroisse.

 

Côté chroniqueurs :

 

C’est le retour d’Etienne de Montety et de Bruno Frappat. Le premier rend hommage au Dernier des nôtres, roman d’Adélaïde de Clermont Tonnerre (Grasset).qui mêle Allemagne nazie et USA des Trente Glorieuses ; Éric Chevillard poursuit sa rentrée, après avoir dit tout le bien qu’il pensait du nouveau roman de Céline Minard la semaine dernière, il s’attaque cette semaine à Yasmina Khadra : «… nous nous jetons sur ce chef d’oeuvre. C’est sauter dans le vide. Ce texte Est d’une nullité si parfaite que nous y ferons pourtant l’expérience de l’absolu. » Suit une chronique qui relève systématiquement les différentes erreurs du texte, la faute n’en retombe pas seulement sur les épaules du romancier : « Un éditeur n’est-il pas supposé signaler avec tact ses maladresses à l’auteur qu’il publie ? » La critique est étayée, une phrase de l’auteur est citée: « Je serais probablement en train de nourrir les poissons faute d’avoir échoué à gagner la Floride » « qui dit le contraire de ce qu’elle prétend dire » complète le chroniqueur. »

 

Par ailleurs dans la presse

Pour le Figaro, le thème de la semaine, ce sont les biographies, Dior, Bronson, Morrison, Ayrton Senna…et Charles Manson qui par la vertu du roman de Simon Liberati se voit évincé au profit (si l’on peut dire)  de ses séides, en l’occurrence des meurtrières dont on souligne partout qu’elles furent manipulées, mais qui apparaissent également monstrueuses à travers la description scrupuleuse et à vrai dire insoutenable qu’en fait l’auteur. The girls d’Emma Cline complètera ce tableau (Quai Voltaire). Prenant l’affaire du côté des filles mais plus particulièrement du côté d’une fille rescapée d’une secte qui ressemble diablement à celle de Manson, le roman s’attache aux années soixante dix et à leur folie particulière. Le dossier du Monde des livres (qui fait sa une sur Don Winslow) est consacré aux écrivains d’origine maghrébine et à « la difficulté persistante (pour eux)à être pleinement, légitimement visibles. » Gladys Marivat en donne la teneur générale : « Souvent questionné sous l’angle de la justice, du système scolaire ou encore de l’immigration, le modèle social fran,çais l’est peu sous celui de la littérature. »Kaoutar Harchi  avec Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne (Babel) lui donne un entretien à lire absolument ainsi que la contribution des écrivains et critiques.