Cette semaine, l’actualité immédiate nous laissant un peu en repos, c’est vers l’Histoire que nous nous tournons, mais attention ! l’Histoire lorsqu’elle-même regarde vers  la littérature… Ecouter la suite sur la pastille audio.

Les Unes

forment un bouquet contrasté cette semaine ; là où le Figaro littéraire s’intéresse aux écrivains et la boxe avec toujours un vieux fond hussards et vrais hommes pour évoquer Boxing club de Daniel Rondeau : lui-même s’est mis au noble art et en tire une discipline de vie dont il fait partager les leçons aux lecteurs du Figlitt.(Grasset). Le Monde des livres opte pour sa part pour l’alpinisme mais un peu à la manière des romantiques allemands, croix sur la montagne, cf Gaspard David Friedriech, avec le livre d’Hervé Clerc Dieu par la face nord chroniqué (de luxe) par son ami Emmanuel Carrère (Albin Michel). « Dieu est la grande affaire d’Hervé Clerc qui est mon meilleur ami » nous dit sans sourciller l’auteur du Royaume. Commentant (c’est très audacieux) la seule quatrième de couverture, il dit préférer laisser au lecteur le bénéfice de sa lecture ; on reconnaît là Carrère « c’est un livre-compagnon, c’est un livre-conversation, un livre – comme son auteur- sur qui on peut compter pour la vie ».

.Si samedi Libération titrait encore sur la Corée du Sud, invitée du dernier salon du livre, c’est le livre consacré par Binah Shah à Benazir Buttho qui fait l’ouverture de ce jeudi. Un roman La huitième reine, dont le titre renvoie à une prophétie qui ferait de la femme d’état assassinée la reine secrète dont un poète ancien «  Latif Bhittai n’a jamais révélé le nom. » Du même coup voici le personnage héros de la condition féminine ; l’article de Jean-Pierre Perrin présente également deux romans Uzma Aslam Kahn Seconde Peau (Galaade) et Là où commence et s’achèvent les voyages (Stock).

La Croix rejoint quant à elle les unes de la semaine précédente avec une interview de Vargas Llosa.

Enfin, LRL (Le rendez-vous des livres de l’Humanité) affiche Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou avec Pour une histoire des possibles (Seuil) : les tenants français de l’uchronie et de l’asif history. Et si tout c’était passé différemment demande-t-on? Ce qui revient à s’interroger sur la façon dont les choses se sont passées dans la réalité et à mettre en lumière parfois des facteurs originaux de construction des grandes dynamiques historiques.

Par ailleurs dans la presse.

Plusieurs livres continuent leur route avec des bonheurs différents. C’est ainsi  que Jean-Yves Jouannais se retrouve en dernière page du Figlitt pour un portrait. Après le MDL et LibéL voici donc l’auteur de La bibliothèque de Hans Reiter distingué pour l’ensemble de son oeuvre sur la guerre. Car, comme le rappelle Astrid de Larminat, Jouannais effectue d’abord et avant tout une recherche perpétuelle sur l’ensemble des guerres du monde dont il tente de rendre compte à sa manière (très littéraire) dans une encyclopédie ; et, qui plus est l’auteur monte sur scène une fois par mois à Beaubourg et à la Comédie de Reims pour donner quelques aperçus de son oeuvre en cours, par exemple le mot chamade : « de « battre la chamade » qui désigne en langage militaire un roulement de tambour signalant à son adversaire son intention de capituler. Jouannais se lève, fait quelques pas sur la scène, revient, s’arrête, se tient les mains, explique pourquoi il n’avait pas évoqué cette expression auparavant ».

Comme Christine Angot récemment dans le MDL, Françoise Dargent évoque le livre d’entretiens donnés par Marguerite Duras, recueillis par Sophie Bogaert et, comme elle, elle en retient le caractère sonore : « L’époque, c’était aussi la voix de Duras. La succession des textes la fait rejaillir d’une manière extrêmement vivante ». La critique souligne tout de même les changements permanents d’avis sur les choses de l’art ou sur les gens, la mauvaise foi qui n’empêche évidemment pas l’admiration. (Le dernier des métiers, Seuil) Après le LibéL et le MDL c’est au Figaro littéraire de s’intéresser à Solomon Gurski, le roman de Mordecai Richler placé en une de ces deux journaux. Bruno Corti pour le Figaro dit son enthousiasme devant ce qu’il appelle ce roman monstre, et il utilise deux trois formules intéressantes : « Gurski est un poème épique, une épopée folle et furieuse, pleine de récits emboîtés les uns dans les autres, de référence qui nous échappent parfois, de dialogues savoureux d’humour vachard, de portraits ciselés » et ce qui fait la grande force de ce texte « il fait de fréquentes embardées dans le temps égare le lecteur, le malmène aussi mais jamais ne le perd en route. » Le couronnement critique se poursuit. (Seuil)

Côté chroniqueurs.

Eric Chevillard consacre sa chronique à Henri Michaux, enfin, peut-être moins à Michaux qu’au plaisir de dire non, plaisir dont on sent bien qu’il séduit notre sourcilleux critique. Donc c’est non (Gallimard) qui regroupe les courriers par lesquels Michaux refuse tel ou tel projet a également séduit Virginie Bloch-Lainé du LibéL elle rapporte son refus de la musique pour accompagner ses poèmes «Une voix intérieure les dit, et fortement », tant pis pour Pierre Boulez. Jean-Luc Outers qui a réalisé ce volume montre qu’un écrivain n’est pas toujours à la recherche de la médiatisation. Bruno Frappat a aimé le dernier FOG (L’arracheuse de dents, Gallimard) dont l’héroïne est une femme d’action tous azimuts (navires négriers, guerres de Vendée, etc). Mathieu Lindon préfère Mona Hovring  Nous sommes restées à fixer l’horizon, dont l’héroïne est une femme pressée mais pas nécessairement aventurière, en quête de son identité sexuelle.(Noir sur Blanc, « Notabilia ».) Etienne de Montety est allé du côté des troupes américaines en Irak avec Michael Pitre et son Périmètre de sécurité (Seuil), un roman moins naïf qu’il n’y paraît sur le papier. Une semaine variée donc qui laisse entrevoir les goûts des critiques.