Le point de vue à écouter : Cette semaine c’est le salon du livre, l’occasion pour vos quotidiens d’aborder la question de l’écrivain ou de l’écriture en tenant (ou pas) compte de l’actualité annuelle… L’invitation des auteurs coréens par exemple… (à compléter sur le point de vue audio).

 

Les Unes.

 

Ce jeudi jour d’ouverture du salon du livre , les unes de nos suppléments littéraires musardent comme s’il fallait d’autres sujets que ceux de l’actualité. Libération ouvre ainsi sur la publication de Vargas Llosa en « Pléiade ». Ruben Gallo en dresse le portrait-somme dans un article qui rappelle les liens de l’auteur avec la littéraure autant qu’avec la politique et comment l’une lui sert pour appréhender et rendre compte de l’autre. Et c’est effectivement une silhouette spécifique qui se dégage, celle d’un écrivain qui prend l’Amùérique latine à commencer par mle Pérou pour objet d’analyse au sens freudien du terme : « L’analyse, nous rappelle le critique, arrache ces protections et nous conduit à tout affronter, de face, et sans baisser le regard. C’est ce que fait Vargas Llosa dans ses romans (2 tomes) ». « Le couronnement de ma vie d’écrivain » dit-il gentiment au Figaro littéraire, dans lequel on découvre que ce projet commence il y a huit ans par un coup de fil d’Antoine Gallimard. C’est en France dit-il qu’il s’est senti écrivain latino-américain « A l’époque le mythe de Paris comme capitale des arts et de la littérature était encore très vivace en Amérique latine (…) Quand je suis arrivé à Paris, tous les grands étaient encore vivants. Camus, Sartre, Malraux. Et ils publiaient ». Comme chaque semaine, un écrivain à la une du Monde. Cette fois il s’agit de Jean Rolin dont le voyage dans une île du Pacifique à la recherche des traces du conflit nippo-américain don,ne lieu à un roman à la fois historique et méditatif avec quelques pointes d’humour. Îlot perdu, crevaisons à vélo, érudition un peu vaine, font de ce livre un roman un peu lointain « car la périphérie, nous dit Raphaëlle Leyris, c’est là que rôde toujours Jean Rolin. C’est de là que l’ex-grand reporter élabore son œuvre, tout en ironie et en mélancolie. » Jean Claude Raspiengeas pour La Croix fait sa Une sur le « journalisme narratif » à la fois du côté des maisons d’éditions (il est question au passage de Tokyo Vice) et des revues.

 

 

Par ailleurs dans la presse…David Lodge et ses mémoires reçoivent un accueil contrasté. D’un côté Claire Devarrieux en soulignait dès samedi dans LibéL la teneur honnête et mesurée dont le titre « Né au bon moment » semble programmatique.Issu de la classe moyenne (père musicien, mère dactylo) DL « bénéficie de la loi sur l’enseignement secondaire de 1944, gratuité des études et bourses calculées selon le revenu des familles.» Pas de chevauchées stylistique ici ni d’ironie à tout crin mais un « calme réalisme » qui rend l’auteur «si sympathique dans sa modestie, sa pudeur qui n’empêche pas la précision ». C’est précisément ce que regrette Eric Neuhoff du Figlitt : « timide, distant, bien élevé, terne et gentil. Il écrit en noir et blanc.On aurait espéré un brin de couleur ».

 

 

Côté chroniqueurs…on a œuvré cette semaine pour les auteurs français. Mathieu Lindon, dès samedi, disait tout le bien qu’il pensait de La bibliothèque de Hans Reiter , le nouveau livre de Jean-Yves Jouannais (Grasset). Une bibliothèque entièrement consacrée à la guerre et dont chacun des volumes Hans Reiter est lui-même une créature de l’écrivain Roberto Bolano. Dès lors on retrouve toute la famille, Borges, Vila-Matas, Kafka, et les références à leurs œuvres qui se croisent autour des bibliothèques réelles ou fictives, des inventions et de la réalité qui s’interpénètrent, écrivains que l’on s’attend à retrouver dès qu’il est question de livres, moins pour ce qui concerne la guerre. Néanmoins, comme le souligne Mathieu Lindon aidé de J-Y Jouannais : « La littérature est un élément de la guerre qui « a pour particularité de polliniser tous azimuts, dans toutes les dimensions du temps et de l’espace. » » Une recension de ce livre est également effectuée par Alexandre Mare pour le MDL, il y souligne à propos des multiples jeux de l’auteur que l’un des principaux personnages se nomme Ernest Gunjer, quasi-anagramme de Jünger et que l’ensemble de l’œuvre tient ainsi de « l’essai, de l’autofiction, de l’enthologie, du manuel à l’usage du bibliophile. »

Etienne de Montety s’est intéressé à François Sureau, et, par delà, à Charles de Foucauld dont l’écrivain entreprend de se faire le biographe. Evocation dépouillée de tout affect dans un premier temps, comme mis à distance puis nous dit le critique un rapprochement entre les deux hommes « Tous deux dotés d’une riche âme intranquille » C’est d’ailleurs le titre du papier. B.Frappat pour la Croix rend compte du dernier Pierre Lemaître Trois jours et une vie (Albin Michel). « Comme un roman » titre le critique , c’est aussi l’intro, quand c’est bon on dit que ça se lit comme un roman, pas si simple comme ici, lorsque le sujet est sordide (un enfant en tue un autre) et que l’auteur refuse le sensationnalisme de l’enquête ou du polar se tient dans les limites de ce qu’en éprouve son auteur. On peut juste regretter que le critique, entraîné par l’admiration se laisse à raconter le livre jusqu’à son terme. Eric Chevillard se tourne pour sa part vers l’âpre poésie de Jérôme Bertin, Retour de bâtard (Al Dante). Une poésie au couteau dans des textes (25) « qui n’éxcèdent pas deux pages, mais excèdent tout le reste, le : la bienséance, le bon goût, les hiérarchies de l’art et de la culture, les vertus sociales. » L’auteur ne dédaigne s’en prendre à lui-même, il commence par là et il n’est ami avec personne. « Aurions-nous oublié, à force d’émissions littéraires sirupeuses et de foires du livre où les sourires des auteurs sont à vendre avec leurs ouvrages, qu’un écrivain n’est nullement tenu d’être un type sympa. »

Et c’est un écrivain qui vous le dit.