Cette semaine on ne peut pas dire qu’il y ait une actualité particulière. C’est un peu l’ensemble du mois de janvier qui a été comme ça, quelques gros coups, bien sûr, comme le pavé de Garth Risk dont Frédéric Pottet soulignait dans le Monde des Livres de la semaine dernière (écouter la suite sur le teaser audio).

 

Les Unes

sont très variées cette semaine, Verdun pour La Croix qui en fait son dossier, Elena Ferrante pour le Figaro mais il s’agit essentiellement de raconter l’histoire du livre : on a l’impression, après que le MDL en a lui-même cerné les contours il y a quelques semaines, que nous voilà en présence d’un de ces bon vieux phénomènes auto alimentés : les chiffres d’un côté, 800 000 exemplaires en Italie, un Million aux USA, l’adaptation en série pour l’Italie d’un autre et, n’oublions pas, un auteur anonyme d’un autre côté. Oui mais quoi, au bout du compte si ce n’est le récit d’un roman.

Une du MDL et page intérieure de La Croix ; Il est toujours intéressant de comparer deux critiques d’un même roman surtout lorsque celui-ci ne se laisse pas résumer à son dossier de presse.

Quatuor  d’Anne Enquist « Des pages d’une bouleversante netteté dans leur évocation d’un état limite proche de la déflagration » dit Emmanuelle Giuliani dans livres&idées de La croix, l’ensemble musical composé par un quatuor semble n’intéresser personne aujourd’hui, mais est-ce la seule faute de la société et de son naufrage culturel. L’impossibilité de la fusion entre ses membres est au moins autant interrogée. Ce que reprend Florence Noiville du Monde des livres ; « Mais tous sentent confusément qu’ils ont fait leur temps. Que leur tempo n’est plus celui de « la vraie vie ». Dépassés, obsolètes. » Si Emmanuelle Giuliani privilégie la construction de l’œuvre qui, selon elle « associe divers genres en une seule trame en orchestrant des glissements surprenants de l’un à l’autre« , Florence Noiville privilégie l’harmonie du monde de Bergman : « Elle écrit de la même façon qu’Ingmar Bergman filme les pensées. » Les deux critiques soulignent que l’auteur qui est aussi psychothérapeute et musicienne se trouve au coeur légitime de son sujet. (Quatuor, Actes Sud).

Les unes de LibéL se suivent et ne se ressemblent guère. Après avoir donné un aperçu samedi de Tokyo Vice oeuvre de Jack Edelstein (èd. Marchialy) reportage qui mêle yakusa, journalisme et réflexion sur le Japon, nous sautons cette semaine à Bergson dont on vient de retrouver les cours du Collège de France : Histoire de l’idée de temps.Cours du Collège de France 1902-1903 à confronter à Proust ? (PUF)

 

 

Côté chroniqueurs.

 

Après Eric Chevillard c’est au tour de Mathieu Lindon de célébrer Ici et maintenant de Pablo Casacuberta (Métaillié). Le roman qui oscille entre connaissance et famille fait revenir régulièrement le titre à l’intérieur même de l’écriture comme un thème lié à celui de l’adolescence. Le héros qui déteste tout particulièrement son frère qu’il nomme alternativement « le nain » ou le roi des hypocrites cherche dans un hôtel international une issue à son éducation. Ce roman de formation cherche sans cesse à actualiser la formule jusqu’à ce qu’elle prenne un sens ; « il n’y a pas le choix : être un adulte, il faudra bien s’en satisfaire. »

Etienne de Montety choisit, quant à lui, un premier roman, celui de Paul Greveillac Les âmes rouges consacré à un comité de censure historique le Glav-Lit. Celui-ci apparaît comme l’instrument du pouvoir soviétique (celui qui traque un écrivain dont l’article, respectant par là le suspens voulu par l’auteur, ne nous dit rien) mais aussi une aubaine pour son héros amoureux de littérature au point d’enthousiasmer le critique « Il signe un magistral livre dont le héros n’est ni Katouchkov, ni Soljénitsine mais la littérature elle-même qui, telle le fleuve Don, prend toujours sa source dans les samizdats avant de déferler sur le monde. ».

 

Partant de l’ouvrage de Michael Edwards Bible et poésie, Bruno Frappat en vient à s’interroger sur le contenu poétique de l’écrit …« qui a pris les chemins de la poésie – mots, rythmes, syntaxe, images –pour s’installer dans nos cœurs. » Pas la peine d’y chercher donc un message à coup d’exégèses complexes. Il y faut cependant, de son propre aveu un net effort de lecture. Rappelons qu’il y a deux semaines c’était un autre Michael (Walzer celui-là) qui s’attaquait à la bible côté systèmes pour démontrer que les prophètes ne jouaient aucun rôle politique direct, donc pas de message ni de système résumait Robert Maggiori (LibéL04/02). Voici donc des lectures qui se complètent, pas de message requérant une stricte application dans la société. Par opposition à ?

Eric Chevillard a aimé cette fois un livre de blagues. Bon, il ne s’agit pas de n’importe quelles blagues, mais celles qu’échangent les esclaves noirs aux USA. Il en souligne l’ingénuité même si la dureté apparaît ça et là. Ce Rire enchaîné de Thierry Beauchamp (Anarchasis) se présente comme une petite anthologie des histoires soigneusement ironiques qui courent chez ceux qui ne peuvent se permettre, sous peine de mort, des propos contestataires.