L’Ecrivain dans tous ses états…   La tendance de la semaine. Cette semaine l’actualité littéraire se fait moins pressante, moins lisible mais en contrepartie des écrivains plus discrets ou des questions de littérature véritables font leur réapparition… écouter la suite sur le teaser audio  

Le côté des Unes

Après le Figaro littéraire c’est au tour de Libération de succomber au charme des aventuriers écrivains et d’abord avec Joseph Kessel dont Frédérique Roussel semble se demander pourquoi on publie le récit de son ami Georges Walter sous le titre accrocheur Le livre interdit ; l’entretien qu’elle conduit avec son fils en fournit la réponse, c’est juste un livre sur l’amitié, sans autre forme de procès.

Kessel n’écrira jamais sur sa mère, ça c’est pour le livre interdit, mais il mènera jusqu’au bout une vie fascinante, rencontrant des femmes elles aussi fascinantes, ça c’est pour le livre que s’est autorisé son ami, et c’est aussi le testament d’une génération, l’auteur et l’éditeur ont disparu avant sa publication. (Le Cherche Midi). On rencontre ensuite London sous la plume de Philippe Lançon, dans sa détestation du public d’abord « C’est le troupeau où règne la fantaisie et le caprice, la marotte et la mode, c’est la masse instable, incohérente, parlant, pensant comme la foule, les « singes », excusez-moi du temps présent. Ce jack London, profession : écrivain, mérite d’être lu pour mieux découvrir le personnage « Le courage, la volonté de raconter des histoires sur les mondes qu’il traverse, qu’il éprouve, telles sont les vertèbres de London. » (Belles-Lettres) On notera, là aussi que l’éditeur de ces textes, Francis Lacassin a lui aussi disparu ; heureusement il reste le critique dont Lançon nous dit « c’est pourquoi le critique existe et doit être (bien) payé. »

En Une du MDL un Schnitzler retrouvé, un inédit intitulé comme par clin d’oeil gloire tardive (Albin Michel.  Il est extrêmement rare de trouver dans les archives ou ailleurs des inédits de grands écrivains. Des textes qui ne soient ni reniés par leur auteur ni abandonnés sous forme de fragments. »

Le côté des chroniqueurs.

Les chroniqueurs nous font partager leurs goûts pour les femmes écrivains, même si le titre ironique de la chronique de Chevillard Vieilles peaux ne laisse pas présager un grand respect. Il dit en fait le plus grand bien de Magnificence, le dernier d’une trilogie de roman de Lydia Millet. Elle laisse venir les clichés de la crise dans le couple mais « cette trame vaudevillesque annonçant l’habituelle tapisserie au petit point du roman bourgeois est bien vite lacérée par la plume féroce de Lydia Millet : pas plus que la littérature selon son goût, ses personnages ne se satisfont de ces archétypes. » Un roman beaucoup plus obscur qu’il y paraît donc et le critique aime, il faut dire qu’il y a des animaux, péché mignon d’Eric Chevillard. Et les vieilles peaux? « Au sous-sol, Susan (c’est l’héroïne) découvre une collection de spécimen plus rares encore, constituée d’animaux aujourd’hui disparus » et l’héroïne aime leurs noms.

La femme, pour l’aventurier qui sommeille en Etienne de Montety est un marin, une femme qui vit de la mer dans un roman de Catherine Poulain « dont l’éditeur nous présente un cv qui rappelle celui de Lily (c’est l’héroïne) pêche, conserverie de poissons et chantiers navals, un parcours en zigzag qui l’a conduite de HongKong à la Haute Provence. » La jeune héroïne ne supporte pas les murs, elle préfère leur substituer la mer et la vie maritime.(Le grand marin, l’Olivier) Quant à Bruno Frappat, Dispersés de l’irakienne… a retenu son attention ; parler des réfugiés et des migrants c’est facile mais mais qu’apporte alors le livre d’Inaam Kachachi? « Avec un roman, nous dit Brunot Frappat, s’il est correctement tourné, conçu et renseigné, nous avons l’occasion de pénétrer plus intimement le ressenti de la détresse humaine, le sentiment de l’exil, le déclenchement de la fuite et de l’idée même de départ« . Et ce n’est pas uniquement parce que nous parlons du chroniqueur de La Croix, mais parce que ce roman représente une histoire claire et concise de 50 ans de gâchis dans l’histoire de son pays. Dispersés (Gallimard).

C’est aussi le moment où certains romans policiers tentent une percée : le suédois par exemple avec un nouvel auteur en Série Noire (Gallimard). Zack Herry dont Abel Mestre nous dit dans le Monde des Livres qu’il constitue le nouveau phénomène suédois même s’il s’agit d’une hybridation : « le roman conjugue plusieurs traits typiques du polar nordique, comme la critique sociale et l’actualité politique avec les recettes du thriller à l’américaine : action, violence, situations et personnalités décrites en peu de phrases, brefs chapitres systématiquement conclus par un cliffhanger » bref, un livre de recettes. Pour le Figlitt, le roman noir est un peu plus traditionnel avec les taties flingueuses de Paris ;  les soeurs Korb qui ont réussi à s’imposer dans le monde des récits policiers historiques avec des histoires situées à Paris entre 1889 et 1900. avec en prime un goût pour « le parler populaire parisien qui caractérise leur écriture, ciselée autour de mots et d’expressions désuets, sinon disparus des quartiers parisiens« .

Cette semaine, la littérature reprend ses droits et les critiques ont mérité leur salaire.