Cette semaine les centres d’intérêt de la presse sont contrastés ; si l’essentiel de l’actualité tourne autour des femmes et de la BD à l’occasion du salon d’Angoulême, on retrouve cependant quelques titres qui construisent la perspective de cette rentrée : littérature étrangère de qualité et littérature française plus ou moins intimiste.
Celles qui ont réussi leur coup cette année, ce sont les femmes, les auteures de bande dessinée même si le e ne s’entend pas, du coup on va dire scénariste mais on entend guère plus le féminin. Les auteures ont donc fait parler d’elles à l’occasion du salon d’Angoulême : résultat même si Hermann reçoit le prix d’Angoulême, auteur très masculin pour sa part, jusque dans sa bougonnerie , elles occupent les cahiers livres en nombre cette semaine… écouter la suite sur le teaser audio.
Les Unes se croisent. LibéL et le MDL ont choisi de consacrer la leur à un auteur de mangas japonais, la référence dans le genre, avec Katsuhiro Otomo, le magaka impérial pour le MDL, « je ne me préoccupe pas des autres »chez LibéL, après tout c’est logique, un empereur n’est pas là pour se préoccuper des autres, surtout un empereur japonais.
Le Figaro littéraire a choisi d’ignorer l’événement mais de s’intéresser néanmoins au Japon avec ce titre dont on peut espérer qu’il est ironique L’énigmatique M Murakami. L’article que Françoise Dargent lui consacre lève une partie du voile ; si les éléments de la légende du marathonien écrivain s’y retrouvent, on découvre qu’il est le fils de professeurs de littérature (ce qui aide) et qu’il a traduit quelques unes des plus grandes plumes américaines. Ecoute le chant du vent et Flipper, 1973, ses premiers romans sont, selon la formule, enfin disponibles en français. (Belfond) sa qualité indéniable d’écrivain qui pourrait bien incarner le meilleur d’entre eux à l’occasion du Nobel, apparaît ici clairement. La critique rappelle la phrase célèbre (par sa simplicité) qui déclenche son œuvre « Tiens, et si j’écrivais un roman ? » c’est justement le titre de l’article qui lui est aussi consacré dans le MDL. Dans lequel on remet en perspective les récits de jeunesse « Dans ce vide idéologique, une jeunesse qui sera baptisée au début de la décennie suivante « la nouvelle race » (shinjinrui) cherche ses ancrages. » Philippe Pons, correspondant à Tokyo replace les romans dans une perspective historique convaincante.
Par ailleurs dans la presse…
Après les Six jours de chaos à L-A en début d’année, voici un second pavé américain dans la mare des nuits d’émeute City on fire, ; Thomas Stélandre fait d’ailleurs le rapprochement dans LibéL et montre comment New-York compile à elle seule tous les univers et les représentations urbaines, ce qui correspond au souhait de l’auteur. « Le roman, allure bottin, est une représentation de la ville. Au cours d’une centaine de chapitres, sur sept « livres » – on pourrait parler d’épisodes pour le sens de la structure, très HBO – on suit une poignée de personnages bien typés. » Ce feu d’artifice permanent lancé à grand renfort de publicité par Plon qui en a acquis (chèrement) les droits, le roman de Garth Risk Hallberg renvoie à la mise en scène… Attention cependant, dans le même LibéL de samedi, Sabri Louatah qui publie son quatrième tome des Sauvages est très critique quant à ce type de rapprochement : « C’est triste, ça veut dire qu’on a abandonné l’idée que la littérature pouvait être intéressante. On ouvre un livre, on s’attend à s’ennuyer, et si on ne s’ennuie pas, on dit c’est du cinéma? » Quand on vous dit qu’il existe de vraies question dans la république des lettres.
Du côté de la littérature française, des livres plus intimes s’imposent à la loyale, eu égard à la vérité des sentiments qui s’y trouvent exposés, voire à l’accord de ceux-ci avec la langue dans laquelle on les expose. C’est le cas pour L’été d’Agathe de Didier Pourquery qui a déjà trouvé écho à Libération et dans le Figaro. Ce dernier va jusqu’à titrer Un récit grave et joyeux à propoos de ce texte relatant les derniers jours de la fille de l’auteur atteinte de mucoviscidose, il ne tire en effet ni vers le pathétique social ni vers les bons sentiments mais tient davantage de l’hommage à la résistance, « l’auteur choisit de nous parler d’une vivante » nous dit Etienne de Montety dans l’analyse qu’il lui consacre. Éric Favereau de LibéL insiste pour sa part sur la dernière phrase d’un des SMS qu’elle envoie à son père Comment continuer de penser? Le livre suggère-t-il pourrait constituer une tentative de réponse. (Grasset).
Sébastien Lapaque du Figlitt rejoint quant à lui les critiques positives du livre posthume de Jean-Claude Pirotte “On est toujours un peu méfiant face à un livre posthume d’un écrivain qu’on a follement admiré de son vivant.” Le silence, (Stock) est l’expression d’une passion, celle du vin, sans pour autant se limiter à celle-ci « Nous avons ainsi connu quelques grands buveurs qui achevèrent dans l’édifice immense du souvenir, une vie de libations joyeuses » C’est dans le souvenir des goûts et des terroirs que ce livre trouve sa force. Jean-Claude Pirotte reste un marginal ; « Emmanuel Bove est un des fantômes qui l’accompagnent, avec Cingria, Georges Perros, André Hardellet, Philippe Jaccottet, Henri Thomas et quelques autres » disait de lui Claire Devarrieux lors de sa disparition en mai dans le supplément culture de Libération, Next. Un bouquet de réminiscences titrait quant à lui joliment Xavier Houssin pour son article du MDL ; on y lit la fidélité des critiques aux auteurs qu’ils ont aimés ce n’est déjà pas si mal.
Et du côté des chroniqueurs ? Etienne de Montety dit du bien de Frédéric Vitoux et de son obsession pour l’île de la cité, Au rendez-vous des mariniers s’intitule l’ouvrage et la gourmandise du critique dispense l’ouvrage de publicité supplémentaire… quant à Chevillard dans le MDL, il commence comme à son habitude par tordre le cou à un cliché « Un roman qui vous hantera longtemps encore après sa lecture… Mais oui, bien sûr. C’est-à-dire qu’il sera comme mes autres un petit spectre de poussière sur un rayon de notre bibliothèque. » Et de relever les exagérations des 4eme de couvertures oui mais c’est vrai pour Viens avec moi de Castle Freeman Jr très bon roman noir à ses yeux (il ne relève pas le prénom de l’écrivain, mais si, Castle !)