chronique 2025 – 22

Les Unes

Il reste néanmoins que Jakuta Alikavazovic dont on parle partout depuis le début de l’année figure en une du Rendez-vous des livres. Entretien avec Alain Nicolas à qui elle confie que la perte est à la base de son livre, celle de sa mère comme pour d’autres autrices, en cette rentrée (Justine Lévy , Catherine Millet…). Dans l’entretien, elle évoque l’enquête sur sa mère, poétesse qui a arrêté toute production une fois arrivée en France, s’est transformée “en une femme plutôt effacée, sans ambition artistique. Et même, une ménagère. »Enquête ou plutôt dévoilement progressif nous suggère J.A. : « Il s’agirait plutôt de soulever différents voiles. D’interroger toutes ces raisons qu’on a de ne pas voir ce qui est sous nos yeux, les différentes facettes d’une identité. » Elle en vient à comprendre que sa mère « a composé ma vie mot à mot comme si c’était un poème qui me permettrait de me réaliser, d’être heureuse. »

« Pathemata, Mathemata » nous dit Maggie Nelson, autrement dit souffrance, apprentissage, un mantra grec (nous assumons) qui postule le lien entre la douleur et l’apprentissage. Le livre de l’autrice s’intitule Pathemata, donc et s’interroge sur la douleur qu’elle éprouve dans la bouche, cherchant un possible lien avec les aléas qui émaillent son existence. Roman introspectif nous dit Neige Sinno en une du Monde des Livres, mais « elle quitte la froideur généralement associée à l’univers théorique et fait de la pensée un processus organique plein d’incertitudes, de désirs, de chaleur, comme un cœur qui bat. »

Un numéro exceptionnel du Libération, ce jeudi : Alexandra Schwartzbrod propose la synthèse de pas moins de douze titres consacrés à Gaza ou au conflit en cours. Il suffit de lire les titres pour en comprendre l’orientation ; quelques-uns font référence à la Palestine comme objet d’étude, d’autres pointent clairement ce qui est en cours Israël Palestine, le déni du droit international, Rendre impossible un État palestinien, Gaza face à l’anéantissement, Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie, Reconnaître l’étranger etc. Enfin, une correspondance entre deux étudiantes, l’une israélienne, l’autre gazaoui, ouvre une perspective plus positive dans ce très dense et très salutaire dossier.

Un petit retour aux sources pour le cahier de La Croix qui s’interroge cette semaine sur la notion d’église sous la houlette de Hans Joas. Plusieurs questions de fond sont abordées nous dit Élodie Maurot : « La transcendance est-elle (socialement) organisable et, si oui, sous quelles formes ? Le chrétien peut-il se passer de l’église ? » mais aussi « l’être humain a-t-il besoin de religieux ? La dignité humaine est-elle la religion de la modernité ? La foi est-elle soluble dans « l’optimisation de soi ? » » Effectivement ça fait beaucoup de questions auxquelles l’auteur apporte une réponse globale qui suppose une évolution fondée sur l’échange avec les autres, tous les autres. Relire le paragraphe précédent.

« On se sentait en sécurité parce qu’on ne pouvait pas perdre son emploi. On pouvait toujours payer son appartement. Et j’appréciais le fait qu’on ne parlait pas beaucoup d’argent, ça n’avait pas d’importance. » Et ce paradis perdu est… la RDA. Pas exactement un paradis nous dit Jenny Erpenbeck dont le dernier roman est chroniqué par Frédérique Fanchette dans le LibéS. L’intrique, la liaison entre une jeune femme et un écrivain plus âgé qu’elle trahit amène l’autrice à dresser un portrait de son pays dans ce moment de transition que représente la chute du mur. Sous un angle positif d’abord avant que suivant la trame de la romance en déliquescence, tout n’évolue suivant un rapport de force et ne s’effondre. Elle évoque notamment la vie parfois paranoïaque des habitants qui découvriront leur histoire personnelle jour après jour (pour les plus suspects) consignée dans les archives de la Stasi.

Ce qui nous amène au cahier du Figaro littéraire consacré aux espions, leur permanence dans une littérature qu’on aurait cru dépassée avec la fin de la guerre froide. Bons vieux espions que l’on peut retrouver dans les romans de Graham Greene, lui-même du métier, retraduits par Claro et dans le dernier William Boyd qui offre un succédané de l’espion anglais à l’époque de la guerre froide. Qui plus est un espion malgré lui : « C’est une décision pragmatique. Car je n’ai aucune connaissance du fonctionnement réel des services secrets britanniques, ni de leur bureaucratie (…) Par conséquent, il est important que les espions de mes romans soient innocents, réticents, accidentels. » L’évolution du traitement vient plutôt du côté des autrices avec Macha Séry, par ailleurs journaliste au MDL qui crée une Patriotic School dans laquelle toutes les nationalités se croisent. Et enfin Anna Pitoniak qui ressuscite le couple jeune-vieux, en utilisant toutefois des personnages féminins et en respectant les codes : fougue vs expérience, alcoolisme et humour.

Dans le Pêle-Mêle

Cette semaine c’est Victor Jestin dont on parle le plus en pages intérieures ; il a même droit à deux articles dans le Figlitt. Le jeune auteur qui s’inscrit toujours dans un registre intrigant, au bord du malaise, raconte ici comment une femme qui commence une partie de Candy Crush sur son téléphone provoque un accident et prend la fuite avant de se mettre à jouer compulsivement. « Je pense que dans toute œuvre narrative se pose la question du désir, nous dit l’auteur. D’après moi on peut mieux raconter le désir dans l’échec ». Jeu au sens de game (les règles) et play (activité créative) comme le souligne Florence Bouchy dans le MDL.

Et à présent nous fonçons vers la semaine suivante. A bientôt !

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)

Tableau de la semaine du au 26 octobre 2025