Chronique 2025-30
Revue de presse du 15 au 21 novembre 2025
Tableau des parutions en fin de chronique
par Frédéric Palierne
dessins Jean-Marc Vulbeau
correction Cécile Lorgeoux
mise en ligne Jacques Chaumet
Les cahiers livres de la semaine reviennent encore sur quelques titres de l’actualité romanesque mais font aussi la part belle à des ouvrages plus discrets ou des publications comme les correspondances, moins directement marquées par l’urgence.
Les Unes
Guillaume Poix s’offre une troisième une. Après LibéS et le Monde des livres, le voici qui ouvre le Rendez-vous des livres de l’Huma. Son roman-témoignage marche bien : « ce roman singulier, où la fiction naît de l’enquête, a tout du précis d’anatomie carcérale » nous dit Muriel Steinmetz, même si le romanesque est là. Elle souligne : « Sur ces hommes et ces femmes à gros godillots, munis de portables Motorola, pleuvent les ennuis. » C’est dans cette partie péripéties que l’écrivain reprend ses droits.
Jonathan Coe poursuit, lui aussi, la tournée des cahiers livres. Nathalie Lacube en rend compte avec drôlerie dans Livres et Idées : « Derrière un premier meurtre – dans un manoir anglais bien entendu – se profile un assassinat politique tout aussi grave. » Lequel ? Le démantèlement du système de santé britannique. Mais, autant Coe se montre cruel avec les ultraconservateurs d’aujourd’hui, autant reste-t-il optimiste vis-à-vis de son pays : « Ce vieux navire plein de surprises qu’est le Royaume-Uni a encore de la voile pour prendre un meilleur cap et ne se rendra pas sans se battre. » Parce que c’est effectivement un drôle de pays comme il le dit par ailleurs : « Je pense qu’il n’y a aucun pays au monde où les gens seraient capables de qualifier de « cosy » (confortable) le sujet des homicides violents. » Isn’t it ?
En s’écartant cette semaine encore de l’actualité immédiate, le Figaro littéraire fait un tour en bord de mer. En suivant différents angles comme celui des explorateurs qui réussissent en ratant leurs cibles de départ (Les Vikings) ou bien Magellan qui doit rattraper une erreur de 2200 km pour découvrir le détroit qui porte son nom. Moins frustrante mais tout aussi riche en découvertes, la promenade à travers la Méditerranée de Fabio Fiori : « Défilent sous nos yeux, le canal de Sicile, Ithaque « pour le plaisir de la lenteur », le phare de Santa Maria di Leuca dans le sud des Pouilles. Sans oublier le détroit de Messine, Menton, Sète, Marseille et son mistral, « seigneur indompté de la ville. »», nous dit Arnaud de La Grange. On y ajoutera le destin de Pierre Landais, marin et éternel insatisfait des engagements qu’il prend entre France et Amériques, et, pour terminer, un livre consacré au phare de Tévennec avec photographies dudit.
Mauriac père et fils ouvrent le Libération du samedi. En prenant un peu de recul, bien sûr, la correspondance entre François et Claude est éditée et, nous assure Philippe Lançon, le fils grandit dans l’ombre du père. Ce dernier l’encourage certes mais « il donne d’une patte, en le griffant de l’autre ». Apparemment il ne peut pas compter sur sa mère qui s’occupe surtout de maintenir les apparences sociales et veille aux mésalliances. Les lettres sous l’Occupation sont les meilleures, parce que les plus intéressantes et montrent un fils fidèle à un père très absent du fait de son engagement. Ils écrivent tous les deux ; le premier est archi célèbre et recommande à son fils de ne pas gâcher son talent dans le journalisme et d’adopter « l’égoïsme » de l’écrivain : « Il faut accepter cette insensibilité et agir froidement avec autant et avec plus de générosité que nous ferions dans nos moments d’émotion. » Et cette cerise sur le gâteau : « Je ne demande pas mieux que de travailler en paix, sans traîner après moi jusqu’à la mort toute ma descendance. » Et c’est pourtant cette descendance qui travaillera à sa postérité.
Au moment où Boualem Sansal est de retour, le Monde des Livres place l’Algérie en tête et en queue de cahier. La une est pour Alain Ferry et son « enfance algérienne », tandis que la dernière page s’ouvre sur la rencontre entre Jacques Ferrandez et Alain Le Gal sous le titre « fuir l’Algérie ». C’est Antoine Compagnon qui signe la critique de une pour ce qu’il appelle un livre monstre, fait de références littéraires infinies, de digressions et de références « au corps féminin, l’autre obsession de ces pages. » D’où son titre en forme de calembour 26 rue Desaix. Bref le fond du livre ne semble pas être l’essentiel même s’il s’agit tout de même de revisiter l’Algérie (Bône qui deviendra Annaba) de son enfance. Qui est celle, précisément que le père de Jacques Ferrandez quitte dès 1955 : « La conquête française a certes été épouvantable, mais quid de la conquête arabe au VIIe siècle, qui a aussi décimé les populations, qui les a converties souvent de force, ou alors en leur faisant miroiter des avantages fiscaux. » Cette fois il quitte l’Algérie pour dessiner la vie d’un aventurier faisant partie de l’expédition d’Égypte de Napoléon. Cela l’éloigne aussi de l’affaire Sansal qui l’a vu s’engager très vite, au contraire selon lui, de la gauche française. Le joli titre de son livre ? Orients perdus.
Un paradoxe en une du LibéJ : « ne pas voir la couleur de la peau éloigne du combat antiraciste. » L’auteur de cette phrase et celui de l’essai intitulé Je ne suis pas raciste mais… s’appelle Keon West en prenant à revers ceux qui prétendent n’accorder aucune place à la couleur de la peau. Et il le prouve de manière scientifique en s’appuyant sur les expériences et questionnaires qu’il mène en tant que chercheur en psychologie sociale ; il s’intéresse notamment au concept de racisme aversif qui soutient qu’entre les extrêmes comportementaux, le bien absolu, le mal absolu, c’est la zone grise des gens moyens où s’observe le racisme comme moyen de discriminer les individus.
Dans le Pêle-mêle
Dans le Figlitt on évoque le salon de Toulon, égérie Sagan, présidente d’honneur Aurélie Valognes, qui, dans un entretien accordé à Bruno Corty, reconnaît mélanger autobiographie et projet d’écriture. Elle vient de racheter la maison de Jane Birkin en Bretagne et la consacre à des sessions d’écriture féminines. Écrivaines invitées pour poursuivre leur projet ; « recevoir, deux fois par an, cinq femmes, pour qu’elles avancent sur l’écriture d’un manuscrit déjà commencé. » Un béguinage avec cuisinière s’il vous plaît.
La semaine prochaine c’est le salon du livre jeunesse, phénomène unique en Europe.
Index des articles parus dans la presse du 15 au 21 novembre (cliquer pour télécharger)