LES UNES

Elodie Maurot n’est pas d’accord avec Christian Bobin, lequel parle d’hérésie à propos de François d’Assise. La critique s’interroge « Jusque dans les introductions aux livres de Christian Bobin, les mots sont-ils en danger de perdre leur sens ? On aura compris que François d’Assise ne correspond pas aux clichés que certains associent, pour toutes sortes de raisons, au christianisme. Alors le plus simple n’est-il pas de l’arracher à son Eglise ? Être qualifié d’hérétique le rendra fréquentable et intéressant. Et tant pis pour la simple vérité. » Heureusement il y a bien d’autres choses dans le volume que Quarto consacre à l’écrivain. « Ses livres sont un tamis de l’essentiel. Ils disent la vie sans craindre la mort, ils accueillent la mort sans lâcher la vie. » Et donc les livres de Bobin malgré leur introduction peuvent être loués.

Claudie Huizinger a attendu longtemps mais aujourd’hui elle est au bord de la reconnaissance institutionnelle (Médicis, Fémina et Renaudot). Vivant depuis une soixantaine d’année dans les Vosges, elle est une pionnière de la vie dans la montagne (pré 68 !) et d’une écriture résolument tournée vers la nature. Elle revient dans le portrait que lui consacre Sophie Joubert, sur certains aspects de sa vie et notamment son tropisme du côté de l’animal « Je suis partie prenante de l’animal dès que je le vois, alors qu’en face d’un humain j’ai tendance à me sentir de l’autre bord », avoue-t-elle sans jamais s’abandonner à la tentation du repli. » relève la critique.

Dans le LibéL samedi dernier, la vedette c’était Juliette Drouet, bien plus que l’amante de Victor Hugo. Le livre que lui consacre Florence Naugrette est ici salué par Mathieu Lindon. Il s’attache au personnage, ancienne actrice, véritable collaboratrice qui fut saluée par la femme même de Victor. Lequel « ne cessa de redouter, jusque dans leur vieillesse commune, de ne pas avoir l’exclusivité ». Car s’il demeure un éternel coureur, elle est comme le souligne le critique « par son humour et son esprit l’une des rares à pouvoir tenir à l’« homme -siècle » un discours de vérité. » il y voit une histoire idyllique qui partage tout, jusqu’au deuil d‘une fille pour chacun d’entre eux. On y découvre surtout la largesse d’esprit des femmes et le travail engagé et absolu de la création à la rédaction chez Juliette, laquelle condamne les concurrents de Hugo avec des arguments certes valables mais appuyés sur une jalousie amoureuse profonde.

Et dans LibéL de ce jeudi, du sexe et du rythme. « Playlist est conçu comme une…playlist : aussi peut-il se lire en mode random ou continu, aucun chapitre (…) ne nécessitant la connaissance des autres. » Un livre d’Esteban Buch qui explore les relations entre musique et plaisir sexuel. « Playlist, nous dit Robert Maggiori, dessine les linéaments de ce que pourraient être, sur le modèle des gender studies ou des post-colonial studies, mais « avec un clin d’œil » des sex sound studies, ou une véritable « histoire sonore de la sexualité ». Le livre entier parcourt les relations entre sexe et son, chanson d’amour et amour, bref, toutes les relations entre l’art de la musique et celui de la rencontre des corps.

Maria Stepanova ouvre le Monde des livres avec « En mémoire de la mémoire », un ouvrage qui témoigne de la difficulté de faire face, familialement dans un premier temps, collectivement dans un second, face aux souvenirs de l’URSS ou de la Russie. « C’est la curiosité, le désir de fixer l’insaisissable : la formation d’un souvenir. Autrement dit, moins le passé en tant que tel que notre façon de l’appréhender. » Il existe vraiment une guerre mémorielle en Russie dont le peuple reste attaché à la culture littéraire, l’écrivaine fait référence à un fait divers au cours duquel un homme en a tué un autre qui contestait la suprématie de Tolstoï sur Dostoïevski.

Proust, clap de fin ; rarement une année n’aura été aussi prolifique en ouvrages de toutes sortes, avec les vedettes Jean-Yves Tadié, Gaëtan Picon et Antoine Compagnon mais aussi des tentatives plus originales comme celle de Charles Dantzig avec son Proust océan qui se lit comme une totalité. On notera le fort intérêt pour l’angle Céleste Albaret passée du personnel à la célébrité, mise un peu à toutes les sauces, roman, BD, bientôt un film ?

Dans le pêle-mêle

Même le Figlitt aime Catherine Millet et son écriture, il loue sa mélancolie et « l’aventure juvénile et jubilatoire » de son roman même s’il reconnaît que l’art conceptuel « dont l’inflation de discours didactique et démonstratif personnellement m’épuise.» Maria Larrea qui doit beaucoup au titre de son livre Les gens de Bilbao naissent où ils veulent, poursuit sa tournée des cahiers livres avec une histoire de naissances et de mémoires contrariées. Les enfant sont là pour trinquer nous dit Frédérique Fanchette, et c’est là peut-être la vraie réalité du livre.

Portraits/Entretiens

Christian Bobin est aussi dans le Figlitt cette semaine, en portrait, en majesté, en gloire sou la plume de Sébastien Lapaque « « Je cherche » : tout Christian Bobin tient dans cette proposition », « L’écrivain cite peu mais il a le goût du mot d’auteur qui touche sa cible comme une fléchette », une hagiographie ?

Jacques Jouet se lâche franchement dans le LibéLS, il a pris plusieurs décisions radicales comme celle « d’envoyer, par voie postale, un poème à chaque habitant humain de la planète » Voilà 9 ans que ça dure, bon JJ cherche systématiquement des écarts des glissements, des décentrements. Il en a trouvé un nouveau, n’écrire qu’en allemand. Du coup, le poème qu’il écrit chaque jour sans correction (depuis trente ans) est un poème écrit en allemand ! Suffisait d’y penser.

Le MDL propose de retrouver Françoise Frenkel et de rencontrer en dernière page Hussam Hammoud, un journaliste syrien kidnappé et torturé par Daech ; il raconte tout, comment les membres de la même famille se dénoncent les une les autres et comment il est difficile de retrouver son pays saccagé.

A la semaine prochaine !

Index des auteurs cités dans les suppléments littéraires de cette semaine (cliquer ici pour télécharger)