Traditionnellement, le salon du livre jeunesse occupe une semaine de novembre dans l’actualité littéraire. Le cahier de l’Huma lui est presque entièrement consacré et Marie-José Sirach lui offre une introduction en forme de manifeste pour la lecture en résistance « au harcèlement, aux discriminations, aux injustices, aux dangers qui menacent la planète. » Les tendances, d’après le cahier ? des livres pour la jeunesse, originaux, mais aussi beaucoup de monstres dont on assure qu’ils ne sont pas dangereux, des recherches graphiques qui vont vers le pastel, les aquarelles et plus seulement l’illustration classique type bande dessinée.

Ce n’est pas si nouveau. Ce qui l’est davantage (quoique) c’est la place des femmes, revisitée grâce, notamment, à l’illustratrice-autrice Diglee qui collabore sur cette question avec Ovidie, entre autres. Les héroïnes modernes ne doivent plus nécessairement s’afficher par rapport aux modèles masculins. Également dans le MDL et le Figlitt.

Correspondances d’écrivains dans le Figaro littéraire, et il y en a pour tous les goûts. Du traditionnel, avec le troisième et dernier volume de la correspondance Chardonne-Morand, le premier disparaissant en mai 68. De l’histoire des lettres, à travers les échanges du même Morand avec Pierre Benoît, le second devant aider le premier à s’installer à l’Académie Française, sans succès, mais aussi avec la correspondance croisée de Nathalie Barney, Pierre Louÿs et Renée Vivien au parfum de scandale Belle-Epoque.

Plus intime, mais tout aussi littéraire la correspondance entre Proust et Anna de Noailles : « Il devient elle nous dit Alice Develey. Les lettres se reflètent et se répondent. On croirait parfois lire leurs échanges comme dans un miroir. Même si Proust fait long, et Anna de Noailles, toujours court. » Enfin, que fait Valéry sur les routes ? Il écrit à sa fille des choses légères, conseils, fables, petits noms et mêmes blagues comme celle-ci citée par Thierry Clermont à propos de la chaleur : « Midi le juste est bougrement là ». Beaucoup de fraîcheur en réalité.

La Croix ouvre sur un de ces volumes improbables, comme produits juste pour les fêtes : un projet devenu livre comme le raconte Sabine Audrerie : « Quatorze écrivains, athées ou croyants, ont fait la même expérience, séparément : passer trois jours et trois nuits à l’abbaye de Lagrasse, dans l’Aude, puis écrire un texte à partir de ce vécu. » Cette retraite sonne comme un exercice de style (à défaut de contrition) et si les écrivains jouent le jeu, il n’est pas facile de trouver une unité. Chacun cherche son assiette et, souligne la critique : « Frédéric Beigbeder signe un texte émouvant dont, à son habitude, les pitreries sont la pudeur », nous avions craint le pire. Conclusion : « Comme dans toute relation humaine, la compréhension n’est pas toujours au rendez-vous, mais cela importe peu. Le mystère est là, duquel les écrivains, plus familiers des mondanités citadines, sont tous désireux d’approcher, chacun à leur manière. »

La maltraitance des enfants au Moyen-Âge n’est pas encore très documentée, Cela devrait changer avec l’ouvrage de Didier Lett intitulé Viols d’enfants au Moyen-Âge. On découvre alors plusieurs vérités ; le viol est omniprésent, celui des filles fait moins de bruit que celui des garçons, car ce qui est grave c’est l’accusation de sodomie qui l’emporte sur tout le reste. D’où un brouillage sémantique entre pédophilie et sodomie comme le souligne Marie Dejoux pour le Monde des Livres, Didier Lett « se revendique historien de la pédocriminalité, non de la pédophilie »

Comme souvent la une du LibéL de ce jeudi est consacrée à un philosophe, cette fois c’est Pierre Janet. A vrai dire ce dernier apparaît surtout comme le principal concurrent de Freud. Psychologue et médecin, Pierre Janet s’est intéressé à Charcot à l’instar de Freud. Son champ était celui de la psychologie des conduites : « Certes, historiquement, la psychanalyse l’a emporté sur la psychologie des conduites. Mais Janet a continué, même souterrainement, à susciter l’intérêt des spécialistes, et le suscite toujours davantage. » On l’aura compris, au-delà des querelles taxinomiques, c’est bien de l’histoire de la psychanalyse qu’il s’agit. Janet qui fut à, une certaine époque, plus connu que Freud, s’intéresse à certains phénomènes communs et d’autres non.

Samedi dans LibéL, Frédérique Fanchette rendait compte du volume de la Pléiade consacré aux écrits des camps et dans lequel on retrouve, et même on redécouvre des écrivains tels que Cayrol, Antelme ou Rousset sous l’angle de leur apport littéraire, en plus de leur rôle dans la préservation de la mémoire. Dans l’entretien qu’elle mène avec Dominique Moncond’huy et Henri Scepi, il apparaît que « Roland Barthes et Georges Perec considèrent respectivement que Cayrol et Antelme sont ceux qui ont construit quelque chose de la littérature des années 50 et 60 davantage que le Nouveau Roman. » Le directeur et le préfacier du volume soulignent également l’aspect politique des récits qui voient souvent le camp comme un aboutissement du capitalisme. Ce volume s’inscrit donc comme un relai, destiné à refaire du « tissu mémoriel ». Les auteurs concluent :« S’il n’y a plus ça, il ne se passe plus rien et la littérature a aussi cette fonction, arriver par des aperçus qui concernent le plus grand nombre à faire vivre ensemble le plus grand nombre. »

Dans le pêle-mêle, notre chronique audio.

Kawai Strong Washburn : A Hawaï, l’enfant sauvé par un requin devient une figure tutélaire, un guérisseur, mais aussi le centre de sa famille, comme en témoignent les autres membres : « Il y avait trop de choses entre lui et moi. Trop de lui », soupire Dean. « Nous, on devait se démerder avec le fait de ne pas être lui », renchérit Kaui. Et comment Nainoa lui-même peut-il vivre après ce miracle, lui qui, en proie à de terribles visions, cherche sans fin à comprendre qui il est et ce qu’il doit devenir ? » L’enfant requin continue de fasciner depuis la rentrée littéraire.

Portraits/Entretiens

Le MDL invite à rencontrer Leila Guerriero écrivaine argentine qui pratique ce qu’on nomme aujourd’hui le « journalisme narratif », comme le dit Ariane Singer dans le portrait qu’elle dresse d’une femme décidée à se situer davantage du côté de la narration que du journalisme. Le livre qu’elle a consacré au « suicidés du bout du monde », restitue, au-delà d’un drame lié à une ville, Las Heras, et ses habitants, « l’austérité du climat et la force du vent, qui poussent les habitants à se terrer chez eux : une ambiance à la croisée des films d’Ingmar Bergman et des westerns de Sergio Leone. » Elle va donc développer systématiquement l’alliance entre la rigueur de l’enquête et le travail de narration, avec un fond argentin qui vaut peut-être le fond américain.

Index des ouvrages parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)