LES UNES

Peut-on encore espérer apporter quoi que ce soit à la compréhension et à l’interprétation de l’Odyssée ?

Oui semble nous dire Sabine Audrerie en une de la Croix, donnant droit à la démarche d’Emmanuel Lascoux, helléniste et nouveau traducteur de ce monstre originel : « Il entend montrer pourquoi vibre plus puissamment aux oreilles des Grecs ce qui se perd dans d’autres langues, et déployer « l’expérience d’une “vision vocale”. » Pour y parvenir ou, tout simplement, pour en rendre compte, il s’appuie sur l’onomatopée comme le relève la critique : « Crac ! Les haubans du mât, tiens, sectionnés d’un coup, par le vent, par la bourrasque, des deux côtés. Bam ! le mât qui tombe à la renverse, tous les agrès qui dégringolent dans la cale, ma parole ! Paf ! là, oui, à la proue du bateau, le pilote se le prend en pleine tête » Et hop ! Homère.

La famille Wittgenstein ouvre le LibéL de ce jeudi, la famille avec ses tourments, beaucoup de suicidés, ses personnalités, dans une correspondance souvent torturée notamment avec l’une de ses sœurs.

Mais c’est aussi son histoire commune, dans la Vienne au tournant du siècle, dans un quartier dévolu aux grandes familles aux intellectuels et aux musiciens : « Si la musique établit entre tous une certaine…harmonie, et si les déclarations d’amour abondent, les dissensions ne manquent pas. Elles ne sont ni politiques, ni philosophiques, mais tiennent à ce que chacun a une idée de ce que devrait être le bonheur de l’autre. »

Une et dossier du Figaro pour le couple Saint-Exupéry-Consuelo et leur correspondance (c’est la saison) qui témoigne d’une relation amoureuse tumultueuse et sans cesse renouvelée. Comme le souligne Thierry Clermont « quatorze années d’une relation aussi intense que tendue, houleuse, faite d’exaltations de ruptures, comme si le couple ne pouvait ni se séparer ni vivre ensemble. » Là encore les familles joueront leur rôle, celle de Saint-Ex souvent obtuse mais qui évoluera avec le changement de génération.

On découvre sans cesse de nouvelles facettes de Jean Genet ; ainsi cet écrivain prodigue qui pouvait offrir un appartement à l’un de ses amants dormait pour sa part dans de petits hôtels, ses possessions resserrées dans deux valises qu’il laissera chez Roland Dumas, son exécuteur testamentaire. Des valises pleines de textes et de notes, consacrés à la littérature aussi bien qu’aux combats qui l’ont accompagné toute sa vie, Black Panthers, Palestiniens, peuples sans terre comme le souligne Frédérique Roussel pour LibéL samedi dernier.

Les textes extraits des valises ont servi à établir une belle édition de l’Imec et rappellent que les écrivains et parmi eux, ceux qui se trouvent le plus en danger possèdent dans leurs bagages à la fois leurs archives et leur demeure d’écrivain.

Un roman croate en une du Monde des Livres, croate et féministe aurait-on envie de dire, celui que consacre Dubravka Ugresic aux Baba Yaga, ces vieilles femmes à la fois hors de la vie de femme mais qui gardent un pouvoir, passant de la séduction au charme de la sorcière.

L’auteure qui a dû elle-même affronter ce qualificatif depuis qu’elle a refusé de cautionner le nationalisme et la guerre au début des années 90 le porte comme un étendard comme le rappelle Jakuta Alikavazovic : « Ugresic continue de défier la notion d’identité nationale comme celle d’identité de genre – le livre se place à cheval sur trois genres littéraires différents, créant une tension très réussie. »

Les recueils de récits ne retiennent pas assez l’attention du public ; de la short-story aux nouvelles tous sont dédaignés, voici cependant, avec Récit B, un livre de Frédéric Ciriez qui marque la critique.

Alain Nicolas dans le Rendez-vous des livres, nous dit qu’il pourrait suggérer une contrepèterie (Série B) ou même encore la face B des disques. Mais l’essentiel vient des thèmes qui le composent et qui montrent, outre un vagabondage de l’esprit, un retour de l’auteur sur des lieux qui ont marqué le début de son œuvre, à savoir Paimpol, les ronds-points, les bords de rivière, etc. De là des girations en tous sens « C’est l’esprit même du baroque, dont la danse circulaire passe de la Terre au ciel, du local au cosmique, du vulgaire au sublime, inlassable ».

Dans le pêle-mêle

De semaine en semaine, le personnage de Napoléon, héros, tyran et martyr tend à occuper les pages débat et Histoire au fur et à mesure des publications qui entourent le bicentenaire de sa mort.

Dans Livres &t idées c’est Jean-Pierre Rioux qui se charge de l’examen parmi les « publications qui tentent leur chance ». Relevant le livre de Thierry Lentz Pour Napoléon, qui se propose de rétablir quelques vérités historiques contre ceux qui récupèrent son histoire à des fins partisanes que ce soit sur le plan de l’esclavage ou de l’infidélité conjugale.

Florent Georgesco dans MDL le conseille aussi pour sa chronique qui oscille entre critique des thuriféraires aveugles et défense de l’empereur face aux nouveaux groupes de pression.

Le « Que sais-je », une référence, éditoriale en matière de collection scientifique, accueille pour sa part un Napoléon et le bonapartisme d’Arthur Chevalier.

Dans le LibéL de ce samedi apparaissent également (outre Genet) Will Self qui raconte dans son autobiographie, son homosexualité et son addiction à la drogue avec italiques qui « désignent des souvenirs (de choses dites, pensées, lues ou entendues par l’auteur, de sentences récurrentes de sa mère, de chansons) des échos du passé que la langue retraite dans le présent. » et Yves Ravey avec adultère dont Claire Devarrieux souligne « la remémoration d’un forfait ».

Le livre est moins urgent ici que la vie. Yves Ravey fait partie de ces auteurs que la critique salue à chaque nouvelle publication.

A la semaine prochaine…

Index des auteurs cités dans les suppléments littéraires de cette semaine (cliquer ici pour télécharger)