La richesse de l’actualité ne se tarit pas et les cahiers livres de cette rentrée ressemblent à des cars bondés dans lesquels les voyageurs, toutes catégories confondues, attendent que certains fassent de la place pour pouvoir respirer un peu. Des noms se détachent en effet, d’autres ne parviennent pas encore à jouer suffisamment des coudes pour trouver leur place.

La rubrique audio en fin de page

Les unes

Encore une pour Laurent Mauvignier qui se révèle comme l’une des bonnes surprises de la rentrée.

Bien entendu on n’est plus surpris par l’irruption de Mauvignier dans le paysage des lettres mais le renouvellement de l’intérêt qu’il suscite voilà qui est plus difficile à obtenir. Et c’est Patrick Grainville qui rend hommage à son confrère en soulignant davantage ses qualités de romancier.

Mais encore une aussi pour Erri de Luca avec ce titre assez définitif Impossible.

Le grand écrivain italien y offre un roman de garde à vue – si l’on tient à y reconnaître un genre – confrontation entre un juge et un ancien activiste de gauche soupçonné de meurtre. Ou plus exactement du meurtre d’une ancienne balance de son mouvement inspiré de Lotta Continua. Impossible de parler donc mais de façon subtile chez De Luca : impossible de répondre aux questions du juge mais aussi impossible de se faire comprendre d’un jeune juge, totalement étranger au temps et aux engagements d’un vieil homme fier de sa lutte.

C’est François Sureau qui introduit le dernier ouvrage de Jean Rolin en une de La Croix ,

« Peu d’écrivains combinent aussi bien l’extrême attention et le refus de l’indiscrétion. » nous dit celui qui parcourut la Seine dans l’actualité du printemps, de celui qui parcourt la banlieue parisienne en suivant la Seine en cette rentrée de septembre. Les qualités qu’il relève : sens de l’observation naturaliste loin de l’obsession nombriliste, attention portée aux humains réels et « L’humour, un humour proustien, où une sorte de minoration étonnée, affectueuse, corrige la dureté du monde, est partout présent. » Les écrivains et le fleuve, voilà bien un thème de chronique ! – à écouter donc.

Du côté des idées revoici (après des articles un peu partout) Agnes Heller moins connu qu’Hannah Arendt mais dont la vie est tout aussi intéressante. Philosophe hongroise qui survit à la seconde guerre mondiale et au stalinisme, s’exile en Australie où elle découvre la liberté de produire des textes à sa guise et dirige la New School for Social Research de New York qu’elle améliore et développe, Agnes Heller ne semble jamais découragée de la vie. Cela s’explique sans doute par  « son goût pour la musique, les musées, les villes d’art italiennes, les apéritifs en terrasse, les discussion infinies entre amis » nous dit Robert Maggiori. Cela explique peut-être également le titre de son autobiographie La valeur du hasard. Ma vie. Une véritable découverte en ce début d’année des idées.

Boris Vian drôle d’épistolier. Dans le Libél de samedi la une est pour Vian et sa correspondance,

« il y a une générosité d’écriture dans toutes les lettres » souligne Mathieu Lindon qui retrace la vie de Vian à travers sa correspondance et, notamment, le fait que ses courriers aux impôts eurent (au moins) autant de succès que ceux qu’il adressait à sa maison d’édition. On trouve également des lettres à sa mère, des lettres à Gaston Gallimard qu’il signe « ton pote Boris », et d’autres qui font assaut de distorsion de la langue avec Raymond Queneau. D’un autre côté cet ouvrage souligne combien l’époque de la gratuité de l’humour est révolue, tout comme celle de la correspondance d’écrivain en quelque sorte.

Camille de Toledo est en Une de l’huma et confirme ainsi l’intérêt que suscite son roman dans le discours critique de la rentrée.

On note la richesse de ce texte comme le fait Sophie Joubert qui souligne : « Beau texte introspectif aux résonances poétiques dont on n’a pas fini d’épuiser le mystère. » Pour Camille Laurens et sa chronique du MDL le narrateur accomplit un véritable travail de recherche. « avec l’aide d’une malle d’archives, il remonte le cours de l’histoire familiale, « ce continuum de désastres et d’effondrements » qui a commencé dans l’Espagne du XVe siècle, quand les juifs ont été contraints à se convertir, sous peine de mort. » Ce sera l’un des romans de la rentrée, quant aux prix…

Dans le pêle-mêle LES TENDANCES SE CONFIRMENT

Outre Mauvignier, le Figlitt attire notre attention sur Deborah Levy et son autobiographie qui consiste en gros à s’interroger sur la manière dont on devient une femme. Et une femme qui écrit en outre sans négliger le récit purement autobiographique, une véritable admiration de la part des critiques.

Marie Hélène Lafon continue, elle aussi de ravir par son écriture, par exemple cette semaine, Jean-Claude Lebrun de l’Huma « A chaque nouvelle parution se retrouvent cette écriture limpide et ce souffle narratif qui constituent sa marque de fabrique. »

Le journal de Maurice Thorez a les faveurs de celui d’Etienne de Montety. Le titre lecteur inattendu souligne la surprise du critique face à l’attention que l’homme politique portait à la littérature.

La figure historique de la rentrée est bien celle de Toussaint Louverture dans la biographie historienne que lui consacre Sudhir Hazareesingh. Le personnage plus complexe qu’il n’y paraît prend sa véritable dimension historique.

C’est aussi la semaine (Figlitt et MDL) d’Orianne Jeancourt Galignani et de son histoire de tableau maudit. On retrouve celui-ci chez différents propriétaires saisis de folie meurtrière ce qui permet à l’auteur de passer en revue quelques périodes historiques elles-mêmes inquiétantes.

 

Teaser Audio de la semaine

par Frédéric Palierne

http://www.legeniedelacollection.fr/son-24092020/