Cette semaine nous allons parler littérature et Histoire, rapports, tendances et interrogations, sérieuses et moins sérieuses. Pour la tendance, par exemple, cette année, on constate un goût pour la famille recomposée mais sur le plan de la fiction… écoutez la suite sur le teaser audio !  

 La une du Libé des livres cette semaine est consacrée à Edouard Louis et c’est Philippe Lançon qui en fait la critique ; d’un côté l’histoire, le récit et ses qualités, de l’autre une écriture qui tire vers Genet, à son meilleur, mais qui est incapable de trouver le ton juste pour retranscrire l’oral façon « peuple » : « kitsch naturaliste, tournant au procédé ». Ce travers déjà relevé par Étienne de Montety est explicité « La prétention bavarde à l’intelligence est tellement en avance sur le cœur et l’expérience qu’elle en finit par rater le rendez-vous ». (Histoire de la violence, Seuil).

Le Figaro s’offre quant à lui un nostalgique bouquet d’aventuriers en Une, ouvert sous la figure tutélaire de Roland Garros dont les Mémoires sortent chez Phébus par exemple et comme le souligne Astrid de Larminat : « Pour le non-initié ce récit qui ne parle que d’avion est parfois répétitif, mais les scènes comiques et les fulgurances poétique qu’on y trouve valent largement qu’on s’y plonge et qu’on s’intéresse au problèmes de moteurs, cylindres et bougies.» On retrouvera la panoplie culturelle des têtes brûlée chères à l’équipe de rédacteurs, London, Paul-Emile Victor, Alexandra David-Néel et Joseph Kessel dont la biographie parue sous le titre alléchant Le livre interdit est rédigée nous dit Mohammed Aïssaoui par Georges Walter son ami, un hommage donc « mais à la manière de Walter : sans afféteries ni grandiloquence »(Le Cherche Midi).  

Pour le Monde des livres c’est Ta-Nehishi Coates qui est avec Une colère noire au centre de l’actualité (Autrement). L’auteur, traduit par Alain Mabanckou et présenté par Louis-Georges Tin (président du CRAN) écrit une lettre à son fils qui lui présente l’avenir difficile qui attend celui qui sera stigmatisé en raison de sa couleur de peau. En revanche, si L-G Tin insiste sur le parallèle entre USA et France, Raphaëlle Leyris souligne au contraire l’apaisement lié à la présence en France. Elle rappelle en outre que le récipiendaire du National Book Award écrit aussi pour « Prince Jones, ami de fac tué par un policier qui l’avait pris pour un autre », la conclusion reflète le doute de l’auteur il « doute que le triomphe de son livre se traduise par un impact politique réel. Le succès n’a pas réduit la distance entre son pays et lui. » On notera que le cahier se poursuit avec l’évocation du roman de Gérard Noiriel déjà chroniqué il y a deux semaines par LibéL sous le titre enthousiaste Chocolat, tu t’es battu, tu as été l’auteur de ta vie…(écouter le teaser audio) (chocolat, la véritable histoire d’un homme sans nom,Bayard)

La carrière de quelques livres continue comme celle, discrète mais tenace d’un printemps 76 (Stock) écrit par le journaliste sportif et chroniqueur Vincent Duluc qui retrouve sa jeunesse et le grand Saint Étienne, « dont il revisite quarante ans sous un prisme plus politique que sportif » nous dit Christophe Alix de LibéL, il avait déjà eu les honneurs du Figaro la semaine dernière.   Tous les vivants a droit aux honneurs du Figlitt après ceux du MDL, ce roman noir et américain du sud des Etats Unis, qui se construit sur un fait divers à la Landru – et qui, du reste, a inspiré La nuit du chasseur– gagne le Figlitt après le MDL. Son côté Truman Capote plutôt qu’Ellroy n’est pas pour rien dans cette ascension.  

Côté feuilletons littéraires, Étienne de Montety s’intéresse à L’autre Joseph, de Kéthévane Davrichewy, drôle de roman par lequel l’auteure cherche à retracer le curieux destin de son arrière-grand-père géorgien Davrichachvili, dont l’histoire à l’aventure en Europe ne serait pas très originale s’il n’avait été le presque sosie de Joseph Staline. Lui-même sera l’auteur nous dit le chroniqueur « d’un livre de souvenirs assez trivialement intitulé Ah ce qu’on rigolait bien avec mon copain Staline » car les deux enfants sont réellement amis et vivent dans le même village ; on connaît le destin du plus célèbre, l’autre part à Paris appartient à la génération qui pense pouvoir changer le monde : « Tous rêvent de matins qui chantent, même si, pour le moment, l’aube a la lumière blême de la pauvreté et des mirages » constate Étienne de Montety. Reste un roman dont il souligne la qualité intimiste, loin du bruit des grandes symphonies de la guerre.

Pour ce qui est de Sylvie Germain et d’Eric Chevillard ç’aurait pu être l’accord parfait vu le thème de la première, un animal (plus ou moins facile à percevoir cependant), mais, bon, proche du cochon, qui se transforme en être humain et les goûts animaliers du second. Las, s’il reconnaît un bon début pour A la table des hommes, Eric Chevillard n’aime pas la seconde partie. Qu’on ne s’y trompe pas, la critique n’est pas gratuite « C’est en fait à se demander si deux écrivains ne se sont pas relayés pour écrire ce livre. Le premier croit encore en la littérature et son talent étaye solidement cette foi ; le second s’incline devant le principe de réalité et sa créature à nulle autre pareille rentre dans le rang. » Pas de position de principe ici mais une véritable déconvenue d’auteur à auteur.