Chronique 2025 – 27

Les Unes

C’est, avant tout, la semaine Montalbetti (Christine) ; article dans l’Huma, et une du Libération samedi, avec un entretien mené par Thomas Stélandre. Résumons : Christine Montalbetti vient d’écrire un roman exobiographique, soit la vie de Marie-Thérèse, pâtissière à Trouville, sur la terrasse de qui aimait s’installer Marguerite Duras. « Vous devriez raconter votre vie » disait l’écrivaine à la pâtissière. C’est Christine Montalbetti qui s’en charge : « Je crois que son désarroi face à l’idée que ses souvenirs allaient disparaître me bouleversait. » Mais c’est également un défi sur le plan de l’écriture ; certes l’autrice sera aidée par la connaissance des lieux qu’elle a en partage avec son héroïne. Du coup, des aspects de sa vie deviennent plus clairs. Comme le dit Alain Nicolas (L’Huma) : « On verra que la fiction, pour l’une comme pour l’autre, est la source d’énergie de la narration du réel. »

Pour le Monde des Livres, la figure de la semaine sera Victor Serge, représentant de ce qu’on peut appeler « l’anarchisme individualiste ». Jean Birnbaum y insiste dans son texte d’ouverture : «à 27 ans, Serge est déjà un vieux militant. Il a connu les plus hautes espérances comme les pires trahisons. Il a passé cinq ans en prison. Et le double dans les cercles anarchistes. » Il est donc anarchiste mais il condamne le recours à la violence, il trouve que cette dernière gâche les idées de liberté qui sont développées par le courant anarchiste. Ce qui le conduit, par exemple, à refuser les braquages mais à être solidaire des hommes de la bande à Bonnot. Son biographe pense que son anticonformisme vient de ses années anars. Birnbaum non : « s’il a choisi l’anarchisme individualiste, c’est qu’il avait déjà une conception bien à lui de la conscience humaine, de sa médiocrité commune et de ses sursauts miraculeux. » Et aussi de sa rencontre avec Rirette Maîtrejean, compagne et militante féministe, une figure vaillante qui prendra ses distances avec lui néanmoins.

Deleuze est en Une du LibéJ, avec la publication de ses cours, et, nous dit Patrice Maniglier, on se rapproche de la « célèbre phrase de Michel Foucault en 1970 : « Un jour, peut-être, le siècle sera deleuzien » », que comprend ainsi le critique : « Il voulait dire qu’un jour les idées de Deleuze, qui paraissaient si métaphysiques, finiraient par entrer dans le siècle au sens religieux du terme, à savoir dans le monde séculier, pour le bouleverser. » «Deleuze, souligne-t-il, convient à l’époque, puisque sa façon d’envisager la philosophie renvoie à ce qui est imprévisible, événementiel, qui se déploie comme une création à partir de ce que l’on croyait immuable parce que déjà formulé par la pensée ».

Le hussard Nimier ouvre quant à lui le Figaro littéraire ce qui permet à ce cahier de mettre en avant la pérennité de son œuvre et de son talent. A l’occasion de la publication de ses œuvres en Quarto, Sébastien Lapaque souligne : « Dans les pastiches, les billets d’humeur, les contes de Noël, les notes de lecture, les polémiques politiques, les préfaces, Roger Nimier a semé son génie partout. » Du même coup on demande à quelques écrivains et -vaines : « Que reste-t-il des Hussards ? » Christian Authier et Éric Neuhoff insistent sur la nostalgie de cette bande qui se battait en bretteurs du style, amateurs d’une vie rapide et de belles filles. Bon. Réponse de Céline Laurens sur les Hussards : « Certainement pas ceux qui s’en revendiquent. Il s’agit d’une façon individuelle d’être au monde et non d’un courant. » Une littérature qui sait prendre des risques, elle propose un nom, Neuhoff ? Non, Pierre Michon. Quant à Jessica Nelson, elle affirme qu’aujourd’hui ce sont ceux qui choisissent le papier contre le « tout-dématérialisé » et qui, de fait, deviennent les Hussardes et les Hussards. Il semble bien que l’impertinence ait changé de genre, les Hussardes donc.

La famille toujours, la famille encore, avec le livre de Caroline Lamarche, Le Bel Obscur, finaliste du Goncourt sans que son autrice comprenne réellement pourquoi. Une double enquête mène l’œuvre, la recherche d’informations concernant un aïeul banni de la famille, pour sa probable homosexualité et l’histoire du couple de l’autrice confrontée à celle de son mari. Christophe Henning de Livres & Idées souligne : « Plus on en apprend sur l’ancêtre, plus la narratrice dévoile l’intimité de son couple toujours d’actualité en dépit des infidélités homosexuelles de Vincent (son mari). » La position cependant, et malgré sa volonté de faire face n’est guère tenable, elle abandonne et « se refuse à être une de ces « épouses de convenance » et s’offre enfin un horizon. »

Famille toujours et, comme ci-dessus, recherches sur les liens et les nœuds familiaux. Et parmi les livres, celui de Claire Messud en une du Rendez-vous des Livres. Canadienne anglophone, dont les parents furent « Gaston et Lucienne Cassar, pieds-noirs ballottés entre plusieurs continents et leurs enfants, entre 1940 et 2010 » nous dit Sophie Joubert. L’intérêt du livre réside apparemment dans ce déracinement : « Ensemble, ils vivront en Suisse, en Australie et au Canada, rentrant en France le moins possible et par obligation. C’est donc depuis la périphérie, dans un incessant ballet de voyages et de déménagements, que Claire Messud observe près d’un siècle d’histoire. » Une proposition originale.

Dans le Pêle-mêle

Tous les ans, juste avant les prix, le Figaro littéraire réunit ses propres jurés pour établir la liste des récompenses qu’ils pensent pouvoir attribuer en lieu et place des jurys officiels. Cela se passe au Grand Véfour, et cette année les 6 jurés extérieurs sont 5 femmes et un homme, d’horizons divers (Transfuge, Le Nouvel Obs, Lire…) qui se confrontent « en toute liberté, sans tenir compte des listes officielles » nous dit Éric Neuhoff, secrétaire perpétuel de ces académies. Résultat ? le Goncourt pour Je voulais vivre, le Renaudot pour La marchande d’oublies, le Fémina à Tant mieux d’Amélie Nothomb, Médicis, Voyage, voyages, Interallié L’Amour moderne et l’étranger pour Un Monde nouveau de Jess Row. Sans tenir compte des listes en effet.

Une semaine qui voit nos cahiers livres revenir aux fondamentaux, comme on dit…

Index des articles parus dans la presse du 25 au 31 octobre 2025 (cliquer pour télécharger)

index des articles parus dans la presse de cette semaine