Chronique 25-15 revue de presse du 31 mai au 6 juin

Andrew Mc Millan

Les Unes

« La Russie envahit l’un de ses voisins en moyenne tous les vingt, vingt-cinq ans », nous dit le géo-politologue Bruno Tertrais, qui recense l’ouvrage que consacre Carlo Masala à la Russie en une du Monde des livres. L’auteur part de l’hypothèse d’une invasion de Narva, ville estonienne qui pourrait fort bien servir de cible à la prochaine manifestation d’hybris de l’ère Poutine. Il analyse alors tout ce qui pourrait en découler comme le fractionnement des opinions en Occident face à cet ennemi récurrent.

De son côté Béatrice Bouniol propose en une de Livres et idées, de réfléchir sur la pensée de Marc Crépon et son rapport au nationalisme. Et cette question, si certains s’arrogent le droit de rejeter l’autre, « pourquoi le projet inverse, fondé sur l’hospitalité et la pluralité des appartenances, est-il toujours perçu comme une utopie ? » Pour lui, il n’existe qu’une voie, relire les « pourfendeurs du nationalisme », Jan Patočka, Romain Rolland, Blum, etc. que la critique saisit en une formule « ces observateurs des temps passés, souvent visionnaires des menaces qui pèsent sur les nôtres. » Cela paraît dérisoire mais la référence et la lecture sont très attaquées ces temps-ci.

Alexandra Schwartzbrod réunit Emmanuel Ruben et François-Henri Désérable en une du LibéS. Les deux écrivains-voyageurs préfigurent nos équipées estivales, mais à grande échelle. Commençons a contrario de son article, par le second qui refait, en partie à moto, le voyage du Che de son Argentine natale au Venezuela et Cuba. Le voyage est pour lui une boîte de Pandore qui recèle « l’allégresse, l’étonnement, l’émerveillement, la volupté, la joie (et un certain nombre d’emmerdes). Mais elle se refermera sur l’ennui ». Pour Ruben, le territoire exploré est le Japon, celui des côtes dont il retrace la géographie, le parcourant à la fois en textes et en aquarelles. Bouvier et Hokusai seront donc ses guides, et par-dessus tout « Inō Tadataka (1745-1818), le premier homme à avoir fait le tour de l’archipel à pied. » Ils sont fous ces écrivains.

Côté LibéJ on reste dans la nature avec, cette fois, les animaux. Et cette question : sont-ils élégants ? Bertrand Prévost nous dit que oui, mais d’une manière subtile. Il ne faut pas tomber, assure-t-il, dans l’anthropomorphisme de la couleur, penser qu’elles sont perçues de la même manière quel que soit l’œil, humain ou animal et ne pas, non plus être obsédé par la fonction biologique : « Prévost, nous dit Robert Maggiori, estime qu’il s’agit là d’une idée que de très nombreux cas contredisent. Les couleurs bariolées du plumage des perroquets, dit-il, ne souffrent aucune explication biologique en termes d’utilité pour l’espèce et semblent « gratuites » ». Et comme les couleurs n’apparaissent qu’à l’extérieur, on peut en déduire que les couleurs et les formes servent l’aspect visuel de l’animal, sa mise en relation au monde qui passe par une image, et, oui, une élégance.

Ce n’est plus une nouvelle pour personne, Sherlock Holmes entre dans la « Pléiade » et le héros davantage que son créateur Conan Doyle. Pour en parler, le Figaro littéraire est allé chercher François Rivière, spécialiste de Doyle à qui il a consacré une biographie. Il revient sur les principales informations : l’existence d’un professeur de médecine comme modèle des déductions de Holmes, la lassitude de l’écrivain face à sa créature et le succès public qui contribue à faire du personnage de Holmes, un personnage réel pour son fan club. Et comme tout le monde également, il souligne la qualité de l’album documentaire qui accompagne cette sortie.

Anglais, mais contemporain cette fois, Andrew McMillan, fils de Ian McMillan, poète, a décidé de se mettre au roman pour évoquer sa ville Barnsley, une ville minière qui sert de cadre pour la vie de ses personnages. Contrairement à eux, il est parti mais il ne fait pas le procès de sa ville pour autant et souligne la tolérance qu’elle entretient y compris vis-à-vis des gays. On notera qu’il va jusqu’à créer un personnage de drag queen, travesti en Margaret Thatcher : « C’est aussi une manière d’évoquer le fait qu’elle a pris des leçons de diction pour rendre sa voix plus grave et paraître plus masculine », confie-t-il à Sophie Joubert du Rendez-vous des livres. « Parce qu’elle était une femme dans un environnement d’hommes, elle s’habillait et se coiffait de façon très particulière. » Il revient davantage sur ce qui fait l’écriture en général que celle de son propre livre en particulier. La critique présente le livre comme « écrit depuis un double point de vue. Celui de l’enfant du pays qui en connaît les codes, l’accent et le langage. Mais aussi celui de l’universitaire et poète qu’il est devenu. » Le livre et l’entretien les plus littéraires de la semaine.

Dans le pêle-mêle

Arno Schmidt continue à faire l’actualité avec ses romans étranges, dont trois sont regroupés chez Tristram (502p.), Alain Nicolas du RVDL nous prévient que l’auteur « travaillait la langue, révélant le mensonge nazi et la comédie de l’Allemagne « dénazifiée » d’Adenauer. » On ajoutera qu’il le fait avec un humour au cordeau. Dans le second des trois récits il prophétise (en 1951 !) que la grande affaire des Allemands est à présent le football et qu’ils vont y mettre la même application et le même enthousiasme que dans la guerre. Antoine Compagnon continue le tour des suppléments critiques avec son livre consacré à l’écriture de Barthes, sous l’angle original de l’écriture sur commande. Il nous fait redécouvrir le sémiologue comme écrivain à commandes, rédigeant des notes, des préfaces et des compte rendus dans le cadre des clubs du livre typiques des années 50. « L’aiguillon de la commande lui était nécessaire et le restera, se confie-t-il, la commande lui réussissait ; il dépendait de son flux constant, ne pouvait pas vivre, travailler, sans cette stimulation. »

Ce qui fait donc que la semaine est encore une fois porteuse de nouveauté et de sens pour ce qui concerne les questions littéraires, vivement la suivante.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)

Index des articles parus dans la presse du 30 juin au 5 mai 2025