Chronique 25-13 du 10 au 16 mai 2025

Les Unes

Livres et Idées ouvre son cahier sur Kate Atkinson, l’autrice anglaise qui met en scène une héroïne dont Emmanuelle Giuliani propose qu’elle devienne récurrente tant elle est passionnante (même son de cloche dans le Figlitt). Ex-infirmière de la Grande Guerre, celle-ci se mue en enquêtrice dans les bas-fonds de Soho à la recherche de « deux femmes disparues » vraisemblablement égarées du côté de la prostitution. « Kate Atkinson n’a rien perdu de son talent à emmêler-démêler les intrigues qui, sans crier gare, laisse sourdre une étrange et prenante émotion ». Une citation donne le ton : « Il était assez âgé pour être son grand-père, sauf qu’il ne l’embrassa définitivement pas comme son grand-père. » Avec 522p. ce pourrait bien être un pavé de l’été.

La une du Figaro littéraire pour Cannes et la littérature, soit essentiellement pour les actrices et leurs biographies parfois romancées. Le côté glamour du supplément est dans le titre « Six femmes sous les projecteurs » soit Anna Magnani, Claudia Cardinale, Marlene Dietrich et Olivia de Havilland des actrices et deux autres, Lady Di et Carolyn Bessette, dont les destins tragiques complètent les références people. L’accident d’avion qui a vu disparaître Carolyn et John-John Kennedy tire l’ensemble des références vers les destins fatals qui pourraient faire de beaux scenarii. Côté écriture on notera que Lady Di, ici nommée Mademoiselle Spencer, parle à la première personne tandis que l’existence de Havilland nous est rapportée au travers d’un roman qui met en scène son chaperon, Evelyn, avec laquelle elle partage distraction, vie mondaine, strass et stress.

Le Monde des livres fait sa une sur la Comédie (la place de Montpellier) et plus spécifiquement la littérature « afrofuturiste », un courant des années soixante, forme particulière de SF et de fantasy, et qui développe des univers u- ou dys-topiques « qui explorent l’histoire et l’identité afro-américaines ». Donc des œuvres qui offrent des possibilités de s’échapper du cadre conventionnel de la fiction et d’imaginer d’autres univers ou d’échapper aux stéréotypes générés par les récits à base historique. Ainsi de ces femmes esclaves jetées par-dessus bord d’un navire négrier et qui se transforment en sirènes, ou une héroïne parmi les dernières survivantes d’une Terre ravagée par une guerre nucléaire qui prend place dans « un vaisseau spatial piloté par d’étranges créatures de trois genres différents, les Oankalis. S’ils ont le pouvoir de réparer la Terre, ils demandent en échange de croiser leurs gènes avec ceux des humains. » nous dit Gladys Marivat. Cependant cette liberté de création qui permet une sorte de libération par la fiction est rejetée par d’autres qui y voient un nouveau ghetto ; c’est le cas, nous dit la critique de Ketty Steward, « psychologue clinicienne autrice d’une soixantaine de nouvelles » née en Martinique. Elle va jusqu’à refuser de répondre aux questions du journal car elle voit dans ce courant afrofuturiste « une forme d’exotisation ». Quoi qu’il en soit on voit à la forme même du débat qu’il se passe quelque chose de l’ordre de la littérature dans tout cela.

Un Claude Simon jeune sur le cliché qui orne la une de LibéS. Les éditions de Minuit publient ses deux premiers romans mais s’agit-il de romans de jeunesse ? « Nous sommes bien chez Claude Simon., nous dit Claire Devarrieux, Il n’a pas encore trouvé sa voix, la cadence de sa longue phrase. On reconnaît cependant sa biographie. » Du coup, Mireille Calle-Gruber, son « agent droit moral » pour la publication de son œuvre justifie précisément cette réédition. Les deux œuvres auraient dû être éditées dans un Pléiade qui n’a jamais vu le jour sous cette forme, elles réintègrent donc les éditions de Minuit, éditeur historique et comportent une explication : « nous avons souhaité marquer le geste éditorial de l’après-coup archivistique en publiant ensemble les deux livres accompagnés de leur historique ». Résumons, Minuit ne cherche pas nécessairement à publier des fonds de tiroirs, changeant ainsi de politique depuis son rachat par Gallimard.

Dans le pêle-mêle

Ça continue fort pour le Thomas More enquêteur de François Sureau qui se trouve dans la rubrique de Pourquoi ça marche dans LibéS : le ton n’est pas toujours amène : « on tombe aussi dans une matrice policière bien régressive. Classicité du style, indications en tête de chapitre des étapes à venir (…) pas grand-chose qui dépasse » souligne Frédérique Roussel. On reparle également du livre d’Olivier Rolin, alors qu’il est sorti il y a déjà quelque temps, et c’est encore Frédérique Roussel qui s’y colle mais cette fois elle a apprécié. Cette semaine également, deux suppléments font une place à Électrosensibles de Damien Ribeiro lequel mène une enquête sur le geste sacrilège d’une jeune femme qui crève les yeux de la compagne de Rembrandt (sur une toile du même) et se réfugie dans une forêt profonde pour échapper au pouvoir des ondes. Un nouvel article également pour La Loi du moins fort de David Ducreux Sincey, récit dont le narrateur est pris entre violence de la mère et domination de celui qu’il considérait comme son sauveur. La première est un cas d’école (alcool, cigarette, médicaments), le second souffre d’une sorte de mégalomanie furieuse. Comme le dit joliment Lanwenn Huon du MDL à propos de la noirceur du livre : « Elle nous dit que la loi du moins fort n’est jamais qu’une autre formule de la loi du plus fort. »

Ce qui constituera notre conclusion d’une semaine assez riche pour attendre sereinement la suivante.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)

Index des articles parus dans la presse du 9 au 16 mai