Chronique 25-4 du 1er au 14 février

Les Unes

Ma vie mon œuvre

« Il faut faire la paix avec le France, sa langue, sa culture, parce que je les adore » De fait, Orly Castel-Bloom, autrice israélo-française déroule un roman dont le héros est à cheval sur deux cultures, la juive-israélienne et la française. Héros un peu perdu qui subit l’existence plus qu’il ne la mène, connaissant des déboires souvent drôles parce que vrais, comme la rencontre de cette femme qui vit depuis cinquante ans en Israël et qui ne cesse « de se plaindre de tout « parce que, chez nous en France… » ». Nathalie Levisalles s’entretient avec l’autrice qui avoue emprunter sa technique narrative au Père Goriot et ne plus être capable d’écrire avec détachement pour le moment.

bell hooks ne met pas de majuscule à son nom « pour ne pas mettre l’accent sur le nom mais sur la substance de ses livres. » Elle est féministe certes, mais surtout engagée en littérature. Son œuvre a commencé en 1997 mais est traduite tardivement ; « Les maisons d’édition nous font parfois le cadeau de sortir de l’ombre des écrivaines majeures » nous dit Gladys Marivat. Cambourakis avait mis en avant un essai, voici ses mémoires chez Plon. Sa vocation tient en trois mots, « J’étais prête pour les mots, prête pour la poésie, prête pour le sexe. » On découvrira comment, universitaire et en couple avec un universitaire afro-américain, elle met longtemps à être publiée puis « brisée » par son mari qu’elle finit par quitter. Ce qui ressemble fort à l’argument de Ta promesse, dernier roman de Camille Laurens. MDL (6)

Nous retrouvons donc Camille Laurens dans le supplément du Figaro littéraire (6) avec un roman qui décrit l’évolution d’un couple d’artistes suivant une loi, « séduire, réduire, détruire » qui fait strictement écho au livre de bell hooks. Le titre du cahier livres « Amour (pas) toujours » illustre la variété des traitements. On y rencontre des couples célèbres London/Charmian (amour), Franz Liszt et Marie d’Agoult (pas), et d’autres fictionnels. C’est le cas pour les héros de J.M. Erre et David Foenkinos, alertes et comiques même sur fond de catastrophe.

Daniel Cordier alias Caracalla publie le dernier tome de ses mémoires posthumes grâce au travail de Bénédicte Vergez-Chaignon « qui a travaillé avec lui, établi l’édition de cet ouvrage et conçu l’exposition à voir chez Gallimard ». Nathalie Lacube souligne dans son article la force de cet homme venu de l’Action française et qui décide de s’engager aux côtés de de Gaulle quitte à n’être pas « séduit » par lui. Elle souligne sa clairvoyance et sa fermeté qu’il mettra au service de l’art par la suite. Livres & Idées (6)

Bertrand Belin est en une du MDL (13) pour son livre autobiographique La Figure dont le titre dit à la fois le visage et la possibilité littéraire : On sait en effet, nous dit Fabrice Gabriel, quel musicien et musicien des mots peut être Bertrand Belin dans sa manière, par exemple de filer les métaphores, d’emmêler leurs liens pour faire semblant de tomber et rebondir toujours dans une pirouette dansante et dandy. » Ici, il revient sur son enfance et la nécessité de lui échapper ainsi qu’au monde.

Le Figaro littéraire (13) s’ouvre sous les auspices des « années de plomb de la République ». Rectifions, les années de plomb c’est l’Italie, or le livre qui sert de référence au dossier ne concerne que la France. Richement dotée certes avec Mesrine, Rouillan, Delon et Bokassa ; il s’agit de Bleus, Blancs, Rouges, un pavé (800p.) de Benjamin Dierstein, essentiellement centré sur les affaires de la France des années 60, 70. Il est par ailleurs question de Roberto Saviano et de son livre consacré au juge Falcone, de Delon et l’affaire Marković ainsi que la biographie d’un policier engagé dans la police en Algérie au moment des premiers troubles. Pour amateurs.

Romans du monde

Son livre est-il porteur d’espoir ? « Je ne veux pas écrire une histoire qui donne de l’espoir quant à la préservation d’un monde intenable. Je préfère communiquer un espoir qui donne au lecteur matière à réflexion. » Richard Powers dont le nouveau livre traite du combat entre une océanographe qui défend les intérêts polynésiens contre un libertarien milliardaire qui veut transformer l’île en résidence : le projet est déjà à l’œuvre dans divers coins du monde et dénué de toute nécessité existentielle. Olivier Lamm pousse l’entretien dans la direction du commentaire d’actualité et met en évidence la posture de l’écrivain entre consternation et résistance, qui insiste sur un point, la planète peut s’opposer plus vite qu’on ne le croit aux velléités de domination mondiale des USA. LibéS (13)

Michelle Gallen fait partie de la série d’auteurs irlandais et talentueux qui parsèment cette rentrée de janvier. Le thème de son roman qui développe le récit de quelques vies ouvrières, parfois étudiantes, toujours marquées par la religion, « sur fond de violence politique et économique » , est en partie autobiographique. Elle illustre bien le virage générationnel pour sortir de l’étouffement communautaire, vers une liberté liée aux études notamment pour les femmes, dans l’Irlande des années 90. Très bel entretien mené par Sophie Joubert pour le Rendez-vous des Livres (6)

Les derniers seront les premiers, entendez par là que le nouveau roman de Mia Couto est en fait le premier, traduit pour Métailié. Le récit est important mais ce qui est au centre ici, c’est aussi la langue « un texte double où les langues mozambicaines s’insèrent dans le texte portugais » Un effort particulier de traduction retranscrit des mots et expressions comme « défleurir, couper la maison, mourir la route ». A la fin de son article Alain Nicolas propose de qualifier le livre de « voyage voyagé » et grâce à la qualité de son article on comprend de quoi il s’agit. La traductrice s’appelle Elisabeth Monteiro Rodrigues. RDVL (13)

Livres et Idées (13) met en avant un roman qui a déjà eu droit à 2-3 petits articles, intitulé La Colline qui travaille et qui voyage doublement. D’abord dans l’espace, il s’agit d’un roman publié au Québec bien que l’auteur soit Lyonnais, et ensuite du côté du temps puisqu’il raconte 4 générations d’une famille. Philippe Manevy évoque l’histoire de ses grands-parents installés à La Croix-Rousse, leurs vies d’ouvriers et avant eux leurs propres parents qui démarrent le siècle avec les tranchées. L’auteur revient sur leurs vies et leurs dates, 14, 36, les Trente Glorieuses qui ne brillent pas du même éclat pour tout le monde » comme le relève Christophe Henning. (À signaler dans le même cahier, Les Temps nouveaux. En finir avec la nostalgie des Trente Glorieuses, ouvrage collectif qui dénonce les fêlures derrière le progrès.)

Enfin dans le LibéJ du 6, Arnaud Vaulerin évoque le récit graphique de Keum Suk Gendry-Kim sobrement intitulé Mon ami Kim Jong-Un, titre qui lui vaut des ennuis partout, et dans lequel elle raconte une enfance dans la dictature de Corée du…Sud. « Ils avaient peur, jamais je n’aurais pensé que cela était possible aujourd’hui. La plupart de tous ces gens n’avaient pas lu mon livre. » C’est le troisième volume de ses œuvres qui ont évoqué aussi l’esclavage sexuel pendant la guerre. Ici, elle revient donc sur la fabrique nationaliste du Sud, délirante par certains de ses embrigadements. Elle prend du recul par rapport à l’enfant qu’elle était.

Une quinzaine Fort riche qui décantera encore dans les semaines qui viennent, mais déjà s’annonce Pierre Michon et c’est sûr janvier est riche.

Index des articles parus dans la presse du 1er au 7 février (cliquer pour télécharger)

Index des articles parus dans la presse du 8 au 14 février (cliquer pour télécharger)

Tableau du 1er au 7 février

Tableau du 8 au 14 février