Chronique 31 du 12 au 19 décembre 2024

LES UNES

On finit donc (presque) l’année avec Christophe Tarkos en une du Rendez-vous des livres dans l’Huma. C’est une manière de Beau livre, 734p., 32 € et presque un kilo de poésie (le recueil précédent s’intitulait déjà le Kilo). Cette fois il s’appelle Morceaux choisis et autres morceaux choisis et Alain Nicolas ne perd pas son temps à essayer d’en présenter les sections, voire les nuances. Il préfère souligner la continuité du travail de Tarkos et, d’une certaine manière son ingénuité authentique qui fera date.

C’est Patrice Maniglier qui s’y colle ! dans le LibéJ, faire la recension de la nouvelle édition des œuvres de Descartes en « Pléiade ». Avec ses notes « elles fonctionnent un peu comme un standard téléphonique ou un échangeur d’autoroute. ». Il en relève les principaux atouts en dehors de l’apparat critique et ces atouts sont ceux du philosophe même : « Descartes est un réformateur sans église, un politicien du savoir, convaincu qu’il faut, pour le bien de l’humanité, changer à la fois l’éducation, les modes de production du savoir, l’usage des autorités » s’y ajoute son intime conviction « l’égalité des intelligences » le philosophe souligne « Après tout, juger qu’autrui est plus apte à juger que je ne le suis, c’est déjà juger par soi-même. »

Dali fait aussi partie de la postérité de la semaine. Pusillanime jusqu’à la traîtrise, mégalomane, il est analysé par son biographe Ian Gibson, dans un livre publié tardivement en France (écrit en 1997). « Pas étonnant qu’ils aient une guerre civile en Espagne s’ils sont tous comme ça. » avait dit Freud. Dali assumait, chacun de ses excès contribuait à sa communication (et à sa mégalomanie) nous disent Gibson et Philippe Lançon, lequel réserve la fin de sa chronique à Gala ; elle-même fortement autocentrée, femme froide, avide de plaisirs et insatiable de luxe, qui dépassera finalement le génie par son autoritarisme et qui le conduira vers une fin assez pitoyable.

Avec un petit peu de perversité, Éric Biétry-Rivière, nous rappelle que ni Xavier Darcos, ni Alain Decaux, ni même Dominique Fernandez, tous « dumassophiles » et spécialistes de l’Italie n’ont vu venir le livre de 1900 pages du livre qu’Alexandre consacra à la Galerie des Offices. La galerie de Florence racontée par Alexandre Dumas, ensemble unique de notices et gravures répondant à une commande de 98 volumes édités à la manière d’un roman feuilleton, est donc resté lettre morte jusqu’à ce que Jocelyn Florina, « honorable président de la société des amis d’Alexandre Dumas » le (re)découvre. D’où l’édition en coffret de cet ensemble remarquable constitué des gravures d’époque, de leur mise en perspective avec les reproductions de tableaux contemporains et des commentaires de Dumas qui offrent notamment à travers les personnages qu’il remarque, des modèles pour ses propres récits.

Parmi les écrivains vivants et actifs de la semaine, on relèvera Javier Zamora en une de Livres et idées. Son roman Solito raconte l’odyssée d’un enfant de 9 ans qui quitte le Salvador, tout seul, pour rejoindre ses parents aux USA et même en Californie. D’après ce que nous dit Marion Meunier, nous sommes ici entre témoignage et roman : l’auteur a lui-même traversé le Mexique, enfant, en partant du Guatemala pour rejoindre sans famille « le plus grand de tous les pays ». Un Hector Malot du XXIe siècle ?

Et en une du Monde des livres, Neige Sinno s’intéresse à Sergio Chefjec auteur argentin et ses errances dans un parc brésilien. De lui on dit que c’est un « écrivain pour écrivains » ; « je ne sais pas ce que ça veut dire (très probablement des choses différentes selon la personne qui parle) », note-t-elle. Certes, mais ce récit d’une déambulation dans un espace urbain qui s’appuie également sur une réflexion sur l’écriture semble effectivement assez typique d’une préoccupation d’écrivain depuis les Rêveries. Pour Neige Sinno cela veut dire reposer le livre et sans transition se mettre à écrire.

Spécial dernière : En une du Monde des Livres un article en forme de cadeau de Pierre Michon à Olivier Steiner et Isabelle Adjani, pour leur livre commun, consacré à Marylin. Texte hommage et créatif plus qu’analyse, rencontre de stars, Monroe, Adjani, Michon. Pour le LibéS, ce sera Jules Verne et ses voyages. Comme un beau livre supplémentaire car J.V, contrairement à ce qu’on pourrait croire voyageait pour de vrai : Ecosse, Scandinavie, paquebot jusqu’aux U.S.A. voyageur pressé, rédacteur de notes, publié non pas chez Hetzel mais chez Arthaud qui fête au passage ses 100ans de maison d’édition spécialisée dans la mer et la montagne. Spéciale dernière philosophique dans La Croix, avec une philosophe et poète espagnole redécouverte. Légèrement mystique mais orientée vers la création et non le nihilisme. Antifasciste et prix Cervantes en 1988, après son retour au pays. Un petit côté Bobin. Dans l’Huma, Richard Flanagan répond à la question 7 posée par Tchékov, « qui est-ce qui aime le plus longtemps, un homme ou une femme ? » Il n’y répond pas vraiment mais explore les relations de cause à effet en glissant sans arrêt entre réel et fiction, les rapports entre la vie amoureuse de Wells et les réactions nucléaire en chaîne, aiou encore sa propre biographie et celle de son père. Spéciale dernière calme au contraire avec « l’encyclopédie pléthorique, plaisante et mélancolique » que Caspar Anderson consacre aux bruits de la nature. Acoustique des profondeurs, mais aussi son dans l’espace (beaucoup plus présent que ce qu’on nous avait dit dans Alien) et celui des animaux préhistoriques et le T-Rex qui ne rugit pas… mais ce n’est pas plus rassurant : ils devaient, cite Philippe Lançon « gronder la gueule fermée comme un crocodile à une fréquence très basse pour l’oreille humaine, voire à des fréquences infrasonores, avec, parfois, des gémissements et des chuintements. Les vibrations de ces sons vous pénétraient sans doute jusqu’aux os avant que vous n’entendiez la bête qui les émettait et que ses mâchoires ne vous réduisent en charpie ».

Si vous identifiez la totalité des écrivains ou -vaines, un livre de la rentrée littéraire (pour les premiers)

Nous terminons cette semaine par des remerciements pour les années écoulées, par ordre d’apparition :

D’abord à Jean-François Marquet, qui nous a accompagné à l’origine du projet et qui a réalisé les enregistrements du Génie de la collection disponibles en archives.

A Jacques Chaumet qui met en ligne ces chroniques depuis une dizaine d’années avec un imperturbable sang-froid, y compris depuis les aéroports de Roissy ou de Palerme, Sainte-Bauzille de Putois, le Mont Aigoual, pour ces derniers pas d’aéroport, mais pas beaucoup d’Internet non plus, etc.

A Jean-Marc Vulbeau qui nous régale de ses dessins, exécutés en un temps record à partir de photographies prises n’importe comment.

Et enfin à Cécile Lorgeoux qui est depuis peu notre correctrice impartiale et sagace (sans s’agacer trop) tableau et chronique, mais qui n’a pas pu participer complètement à ce numéro, trop tard pour lui envoyer la chronique.

Et ça repart en janvier, avec la seconde rentrée. Donc merci également aux encouragements de nos lecteurs et, de temps à autres, auditeurs.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)