Chronique 30 du 18 décembre 2024

Les Unes

La séance de rattrapage, c’est le Rendez-vous des livres de l’Huma qui l’assure avec en une, Joseph Winkler et son roman consacré au champ familial qui recouvre la dépouille d’un criminel nazi. Sur le mode « tout le monde savait » la communauté se tait, dont le père de l’auteur. Winkler interroge le silence paternel, entre déni et complicité. Il s’agit du corps d’Odilo Globocnik qui se flattait d’avoir participé à l’extermination des Juifs de Pologne, il était même le chef de l’Aktion Reinhard qui a assassiné 2 millions d’entre eux. Le corps du criminel est revenu au pays natal, y trouver une sépulture dérobée certes, mais légitime pour les habitants de la région. Le fils, devenu écrivain reprend le sillon de la mémoire en évoquant le blé et la farine qui viennent de ce champ, sous lequel repose le corps criminel. Rattrapage également dans ce cahier pour Peter Stamm, Kev Lambert et Bernard Chambaz.

Un livre qui évoque la reconstruction de soi dans la solitude de la montagne. C’est la une de Livres et Idées qui en profite pour promouvoir une petite maison d’édition, Les Escales. Corinne Renou-Nativel défend ce roman qui évoque deux femmes, de deux générations différentes et qui se rencontrent malgré elles. La première, privée de sa famille à la suite d’une tragédie du quotidien, la seconde, plus jeune, et, tiens donc, exilée syrienne : « Le livre nous dit leur passé respectif, sans craindre l’âpreté des drames traversés, leurs douleurs inaliénables que ravivent un détail ou un mot, leur quotidien bricolé. » Un roman axé sur la solidarité à la fois forcée et acceptée.

Le retour de Bettelheim ? Non, mais il n’est pas loin lorsqu’on évoque l’utilisation des contes dans la démarche de psychothérapie. A savoir les histoires de dévoration du type Barbe-Bleue et les faits, de plus en plus documentés, d’inceste. Robert Maggiori leur fait droit dans sa recension du livre de la conteuse et psychologue Edith Lombardi Se libérer de Barbe-Bleue. Il ne s’agit pas d’un essai théorique mais d’analyser l’expérience de l’utilisation de contes cruels dans le cadre de thérapies menées dans un cadre familial, le plus souvent perturbé, comme cette histoire d’une femme qui découvre son mari en violeur de ses très jeunes belles-filles. L’autrice se fonde sur l’existence d’une multitude de ces contes qui disent à peu près tous la même chose, à savoir que ce n’est pas seulement la curiosité des femmes qui est en cause dans les récits de dévoration ou d’exécution, mais bien le droit de vie et de mort que s’arroge le mari. On notera dans l’Huma, une référence, plus théorique celle-là à la relecture du Petit Chaperon rouge qui privilégie la thèse du loup dans la famille.

Le Libé précédent, celui du samedi, plongeait pour sa part du côté de la « sexualité sociale » comme son titre l’indiquait. A savoir un article de Mathieu Lindon à l’occasion de l’édition des romans de D.H. Lawrence, dont L’Amant de Lady Chatterley dans la « Pléiade ». Il y a un petit côté conte érotique dans le livre le plus célèbre de DHL : la lady, le forestier, la cabane et, bien entendu le sexe. Même si, pour le critique, la véritable affaire du livre ce sont les rapports de classe, inévitablement conflictuels et dont l’interdit est indépassable : « vous pouvez faire toutes les cochonneries que vous voulez, dit un personnage, en fait plus vous salissez le sexe et plus ils aiment ça. Mais si vous croyez dur comme fer en votre sexualité et si vous refusez qu’on la salisse, alors ils vous feront la peau. »

Du côté du Figaro littéraire, dossier minimaliste consacré à Paris, capitale littéraire. On y retrouve les deux œuvres qui figurent ailleurs en rubrique Beaux livres, à savoir le Paris des personnages et celui des thèmes littéraires. Les noms cités dans l’article sont essentiellement ceux d’écrivains disparus, on retrouve le Paris d’Hemingway (qui ne sera plus jamais une fête), celui de Modiano (une ode à la nostalgie), mais pas un mot sur l’un des livres les plus parisiens de l’année, à savoir la description du XVIIIe arrondissement de Thomas Clerc (prix Wepler), lequel avait surpris tout le monde avec sa tentative d’épuisement complet du Xe, il y a déjà 17 ans.

Enfin le Monde des Livres s’offre après La Croix son N° spécial Beaux Livres, et en ouverture place un « étrange objet » selon Harry Bellet, « les éditions du Chêne qui le publient n’ont pas ménagé leurs efforts pour qu’il ait l’air effrayant à souhait ». Ce Livre des ombres comporte des sections enchanteresses, anges, mais aussi sorcières et fantômes. L’idée est de définir le rôle de chacun notamment comme intercesseur entre différents mondes ; sur la tranche du livre cet avertissement « Ton sort est fixé, si sombre qu’il soit ; tout changement ne ferait que l’aggraver » (Shelley). Pour ceux qui, jeunes, ont lu Harry Potter ? Le reste du cahier reprend quelques titres qui ont marqué cette fin d’année comme le Vénitiens ! Vénitiennes !, ou le parcours de la cité sous l’égide du crieur, Kaïdara le livre événement de l’année édité par Diane de Selliers ou le Paris des personnages de roman dont il est déjà question plus haut.

Dans quelques jours notre ultime n° de l’année avec un florilège de portraits dessinés par Jean-Marc Vulbeau, c’est Noël !

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)