Chronique 29 du 13 décembre 2024

Les Unes

On commence à penser (sérieusement) aux livres qu’il faudra offrir et Livres et Idées fait sa recension dès cette semaine. Comme toujours, beaux livres à proprement parler et livres de qualité ou autres que le roman se côtoient. On ouvre bien entendu, comme à chaque période de fête sur le Diane de Selliers de l’année, un conte d’Amadou Hampâté Bâ illustré par Omar Ba qui articule rareté et luxe (230€). On notera la prise de risque de l’éditrice qui « joue » presque sa saison sur un titre, qui plus est original. Le supplément présente également quelques livres d’exception comme cette histoire de la beauté chez Gallimard en 5 volumes sous la direction de Pascal Picq (125 €). On trouve également quelques livres entre 25 et 50 € qui se distinguent comme la biographie de Bernard Pivot, rédigée par ses filles, la photographe et l’écrivaine. Choix validé par le Figaro littéraire, lequel complète avec Nos années Apostrophes, grâce à l’INA et son directeur, Laurent Vallet. La Croix et le Figlitt se rejoignent également sur le livre d’Eryck de Rubercy, L’Univers des arbres (33€) comme l’un des plus importants consacrés à la sylve ces dernières années.

Pourraient rejoindre la cohorte des livres de fin d’année, ceux des égéries à qui le Figaro littéraire consacre un dossier dont l’accroche clame : « Colette, Marie, Jeanne, Berthe et les autres » Il s’agit de celles qui peuplent les livres de Dominique Bona en tant qu’héroïnes (d’ailleurs peut-être plus qu’égéries) et se trouvent réunies dans une anthologie chez Bouquins. On rencontre par ailleurs Marie-Blanche de Polignac, Pauline de Beaumont, Liane de Pougy ou Marie de Régnier, ah le carnet mondain…

Côté événements, on rendra grâce à l’Huma (Le Rendez-vous des livres) pour ce numéro consacré au salon du livre jeunesse de Montreuil, lequel prouve non seulement la bonne santé du secteur mais en plus sa créativité sans cesse renouvelée. Par exemple à l’occasion de l’entretien en ouverture avec Matthias Picard. Pas de texte dans sa BD « Parce que je crois aux possibilités du langage visuel. Je ne voulais pas me limiter à un livre de belles images. » Donc, le travail essentiel se fait sur l’image et le regard, à savoir : « J’ai beaucoup joué avec le phénomène de paréidolie, ces figures que le cerveau reconnaît dans les formes, comme voir un animal dans un nuage. » Beaucoup de références de littérature jeunesse dans le cahier.

Signalons l’engagement du Monde des Livres qui propose en une, à l’occasion des 10 ans du massacre de Charlie Hebdo, un dossier consacré au livre commémoratif de Riss. Commémoratif des attentats, Non ! Comme le souligne Riss : « ils méritent mieux que d’être commémorés comme les victimes d’un attentat. C’étaient surtout des artistes et leur vie d’artiste ou d’intellectuel a commencé tôt, avant Charlie, et elle a irradié au-delà de Charlie. » Dans son entretien avec Jean Birnbaum, Riss apparaît assez réaliste voire optimiste, même s’il reconnaît qu’« il ne faut pas se faire d’illusion, le style Charlie a toujours été marginal », il affirme par ailleurs « En fait, je pense que nous avons gagné. Bien sûr c’est un combat qui ne s’arrête jamais. J’ai vu dans un documentaire animalier que les bélugas se relaient à la surface, ils font bouger l’eau afin que le petit trou où la glace est ouverte ne se referme pas, donc pour pouvoir respirer. Voilà, j’ai l’impression qu’on fait un peu ça dans notre petit journal. »

Comme en écho, l’entretien qu’accorde le poète Mosab Abu Toha à Muriel Steinmetz du Rendez-vous des livres ; à la question concernant la bibliothèque Edward Saïd qu’il avait fondée à Gaza, il répond : « Les deux ailes du bâtiment ont été détruites (…) J’avais aussi une bibliothèque chez moi, au nord de Gaza. Elle était riche d’ouvrages du monde entier, certains dédicacés par des amis écrivains. Ces trois bibliothèques sont aujourd’hui anéanties. » A la question « Il y a de la colère dans votre livre, mais pas de haine, et de l’humour. » il répond « L’humour et l’ironie font partie de moi. Tous les Palestiniens ont de l’humour, même quand ils vivent sous les tentes. Beaucoup de blagues circulent »

C’est le troisième et dernier tome des mémoires de Tove Ditlevsen, écrivaine danoise qui va de son enfance à son suicide. Cette fois, de jeune poétesse persuadée de son talent, elle est devenue écrivaine reconnue, sans grande confiance en elle, comme le souligne Claire Devarrieux, puisque cette trilogie de souvenirs a été rédigée dans un hôpital psychiatrique, lieu envers lequel elle éprouvait un certain bien-être, même si « l’alcool et la drogue sont venus à bout de l’espoir qui la portait ». La suite dans les idées est peut-être sa caractéristique majeure sur l’ensemble des trois volumes. Elle veut une vie normale quitte à gagner sa vie comme poète, pour elle il n’y a pas de faille. Réaction d’un de ses maris dans ce volume : « Pourquoi veux-tu à ce point être normale et ordinaire ? s’étonne-t-il ? C’est une évidence que tu ne l’es pas. Je ne peux pas lui expliquer pourquoi, mais être normale et ordinaire, c’est ce à quoi j’ai toujours aspiré, du plus loin que je me souvienne. » La différence entre l’intellectuel et l’écrivain ?

Une quinzaine assez fournie donc en événements et en émotions, la semaine prochaine un petit retour sur l’année.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)