Chronique 28 du 27/11/2024

Les Unes

En une du LibéS, donc, Vies sauvages de Daniel Fohr qui avoue qu’il écrit « pour être aimé par le plus grand nombre ». Motivation rarement avancée par les écrivains qui en général, ne recherchent pas le consensus. Pour le livre, il raconte la vie d’un zoo, comportements sociaux des animaux en tête et peuple assez original des animaux humains. Les événements se déroulent en parallèle dans les deux communautés, chefs contestés par exemple, que ce soit dans la société des babouins ou pour la direction du zoo.

Dans le LibéJ, Philippe Lançon choisit la réédition des souvenirs de Edward John Trelawny chez Corti. Il s’en félicite car ce récit est celui des derniers jours de Shelley et Byron, soit, pour le premier, une crémation sur la plage, et pour le second, un embaumement en Grèce. L’auteur, médecin, surnommé Ted par ses amis, n’omet aucun détail. Il raconte aussi leurs journées, romantiques, contemplatives pour Shelley qui « un livre à la main partait (…) pour une promenade sur l’Arno dans un canot à fond plat. De là, il gagnait la forêt de pins ou quelque endroit écarté. A l’heure où les oiseaux se perchent, il revenait chez lui pour lire et converser jusqu’à minuit. », plus nerveuses pour Byron : « Assis devant du papier et une plume à la main, il ressemblait, avec son expression douloureuse et son œil fiévreux, à une pythie en transe sur son trépied. » Une véritable occasion de relire un texte agréable et important.

Du côté du Figaro littéraire on poursuit dans la veine de l’écriture documentaire avec les grands noms de la correspondance de guerre ou du récit aux armées. Grands noms et distance critique, sinon historique : on retrouve Norman Mailer avec une nouvelle traduction de Les Nus et les morts et à l’autre bout du même conflit une nouvelle traduction aussi, celle de Vassili Grossman et Le Peuple est immortel, ode à l’Armée rouge car, comme le rappelle Sébastien Lapaque, l’écrivain est « en première ligne ami des petits et des sans-grade. » Retraduction d’autant plus utile qu’il s’agissait d’un texte disponible d’après une traduction de l’anglais. On complète le dossier avec les nombreuses adresses de Thomas Mann au peuple allemand et Lee Miller en reporter de guerre, connue surtout par les photographies dont celle qu’elle fit dans la baignoire d’Hitler, un pied de nez aux femmes allemandes adeptes du Führer ? « Elle incarna au plus près la nouvelle femme du milieu du XXe siècle » dit son ami (et auteur du cliché) David E. Scherman.

François Durif en une de l’Huma avec un roman qui mêle trois pistes, son autobiographie de croque-mort, métier qu’il a effectivement exercé, son goût pour les confettis, et le décès rapproché de ses parents. Il émiette donc ses archives personnelles pour mieux les reconstituer par l’écriture. Alain Nicolas nous assure : « Le lecteur suit, emporté par cette « autobiographie sans événements » dont parlait le poète portugais Fernando Pessoa. »

Bon, et, à l’instar de ces dernières semaines, un peu de pensée dans Livres et idées : à savoir le livre que Timothy Snyder consacre à la liberté. C’est un « grand livre » souligne Elodie Maurot à propos du philosophe américain : « Sa conviction de fond : trop longtemps, trop paresseusement, les Américains ont considéré la liberté comme une « liberté négative », comme l’absence de quelque chose : de l’occupation, de l’oppression, ou même du gouvernement. » Bon ? et pour la solution ? : « Notre liberté personnelle est indissociable d’une œuvre collective : elle doit être étayée par des politiques de soin et d’éducation, une défense de la véracité et d’un journalisme de qualité, un combat contre l’oligarchie, les inégalités et le réductionnisme des algorithmes ». Pour se sortir notamment du « sadopopulisme trumpiste ». Pas mieux.

Dans le pêle-mêle

Deux catégories se partagent le pêle-mêle, celle des auteurs qui créent de l’actualité en pages intérieures et encore quelques rattrapages dus à… ? Soit l’article n’est jamais passé et il trouve enfin sa place, soit le critique s’engage car il a enfin terminé sa lecture et il le trouve bien. Pour les premiers, il s’agit de Sylvain Prudhomme et Mathias Enard. Avec Coyote, Sylvain Prudhomme retrace son parcours en stop le long de la frontière entre USA et Mexique sous le 1^er mandat de…Donald Trump. Il longe le mur et parle avec l’ensemble des acteurs du système même si les « latinos » le prennent davantage à bord. Mathias Enard, à la fois voyageur et ogre est celui qui s’impose dans cette séquence plutôt calme. Avec le premier volume d’une tétralogie (l’ogre) il se rend dans l’Europe des confins par le Nord, Berlin (le voyageur). Mais on retrouve aussi Claudie Hunzinger et son pianiste sur lequel il neige dans une page de La Croix, dans lequel on voit que l’autrice continue à recevoir les gens à Bambois parmi moutons et œuvres d’art. Dans le même numéro un court mais bel article de Francine de Martinoir qui rend hommage à Italo Calvino et saisit l’essentiel dès son titre « Le monde désenchanté d’Italo Calvino », elle décèle même un projet assez subtil : « évoquer, à travers des aventures invraisemblables, les blessures de l’histoire ». Et donc également Les Ephémères d’Andrew O’Hagan, punks sous Thatcher, amis unis dans la grande crise libérale de ces années sans pitié, livre que l’ensemble de la critique a visiblement apprécié.

On reparlera de Michel Tournier la semaine prochaine. Promis.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)