Chronique 2 – 27/01/2024

LES UNES

Traditionnellement établi en dernière page du Figaro littéraire, le classement des meilleures ventes de roman, remonte en une et dossier. La brusque irruption des femmes dans le palmarès justifie un long article de Mohamed Aïssaoui qui précise « Ce palmarès est une photographie de ce que les Français lisent vraiment. » Soit dix auteurs qui représentent 7,5 M de volumes vendus et sur ces dix auteurs, six autrices qui justifient le constat d’une féminisation du palmarès. On ajoutera un sujet d’Alice Develey sur l’origine du phénomène, les plateformes d’écriture qui alimentent en nouveaux noms le marché de l’édition. Et, bien entendu, la conversion de celui-ci aux nouveaux genres, romance, dark romance, young adult et autre littérature de poulettes (chicklitt). Voici qui réserve de passionnantes surprises.

Intro sur une planche originale de Joann Sfarr, entretien avec Catherine Meurisse et Nine Antico, le Monde des Livres s’attaque au rôle éveilleur de la BD. En insistant sur le recul que procure le dessin, Jean Birnbaum défend dans son édito l’idée que ce commentaire de la réalité dépasse l’immédiateté de l’image d’actualité. « Patience obstinée et subjectivité brandie : tels seraient les traits d’un dessin loyal qui approche le réel dans toutes ses contradictions ». D’un autre côté les auteurs soulignent les limites de la BD militante qui remplit des volumes sans grande inventivité sue le plan du dessin.

Il se trouve que LibéJ consacre sa une à l’un de ces auteurs de BD avec Ken Krimstein. Cartoonist, juif new-yorkais il est allé consulter les archives retrouvées du Yivo, « le centre d’étude pour le Yiddishland » comme le rappelle Virginie Bloch-Lainé. Retrouvées de façon rocambolesque, elles étaient cachées dans l’orgue d’une cathédrale désaffectée de Vilnius, 180000 pages dont certaines d’écrits autobiographiques de jeunes juifs, participants d’un concours d’écriture dont le premier prix devait être remis…le jour de l’invasion de la Pologne par les nazis. L’auteur-dessinateur découvre les histoires de vie de jeunes qui ne sont pas si éloignées que ça de la sienne ; cultivés, connaissant les grands noms de la culture européenne et vivant les questions de l’adolescence même si l’on sent la présence insistante d’un contexte hostile.

La une de La Croix pour Lola Gruber qui livre un roman consacré aux errances de deux personnages en Europe centrale mais, surtout, une écriture qui ne cesse de changer, nous dit Emmanuelle Giuliani : « D’où, pour le lecteur, une sensation inconfortable et grisante d’incertitude permanente et de doute érigée en principe narratif ». Les deux personnages centraux, une accessoiriste coincée dans un théâtre à l’époque de la censure en Tchécoslovaquie et un ex-réfugié de retour en Europe centrale pour retrouver les traces de sa famille hongroise tracent leur route dans ce livre qui « se dévore comme un polar palpitant et vous hante tel un conte philosophique ».

Quant à Hakan Gündey, il est selon Muriel Steinmetz de l’Huma « L’enfant terrible » de la littérature turque. Ses œuvres poussent assez loin le désir de surprendre, voire de choquer. Ici, avec un héros défiguré, Zamir, dans un roman éponyme qui se confronte aux ONG et à ce qu’elles peuvent dissimuler. Pour l’auteur ce n’est pas la violence qui est le plus grave, « c’est le silence qui entoure cette violence, qui la dissimule et la fait disparaître. C’est comme un poison qu’on respire sans le voir. » Veut-il absolument donner une leçon aux autres pour autant ? « J’écris pour me comprendre. Écrire est la meilleure manière de penser. »

LibéS interrogeait O.Rolin sur son livre qui voit s’affronter en duel deux révolutionnaires des barricades de 48 : « Dans la plupart de mes livres, il y a toujours au premier plan ou en arrière-plan une figure ou un événement révolutionnaire » reconnaît l’auteur. Qui ajoute par ailleurs avec honnêteté qu’il ressemble davantage au bourgeois libéral qu’à l’ouvrier engagé eu égard à ses origines. L’auteur a enquêté sur ce duel dont l’origine se trouve dans les Misérables et retrouvé, pense-t-il, le pré sur lequel s’est déroulé le drame.

Dans le pêle-mêle

Après un premier roman trash publié en France (Ordure) c’est le retour d’Eugène Marten avec cette fois une histoire dont le héros sort de prison et qui se spécialise dans la serrurerie. Il ne s’agit pas d’un roman comique ou paradoxal, non avec mais étrange comme son auteur. Le héros est quasiment possédé par l’idée de la clef et de qu’elle peut ouvrir. Elle pourrait être une des révélations de cette rentrée de janvier, Elitza Georguieva avec son Odyssée des filles de l’est intéresse LibéS après le MDL. Déclinaison des aventures de deux héroïnes de l’est dont l’une est prostituée, mais surtout, variations sur la langue française nous dit Juliette Einhorn : « mettre en scène leurs démêlés avec le français est une manière, pour l’écrivaine, de gratter la langue, de régénérer son lexique, ses intonations et ses connotations ; de fabriquer un français non orthodoxe et de créer un espace ouvert. » Le même livre intéresse Virginie Bloch-Lainé qui souligne « l’allure » du livre dans sa recherche à la fois d’« autodérision » et qui prouve qu’ « échouer est universel ».

Rencontres et portraits : Cette semaine on pouvait rencontrer Hakan Günday en une de l’Huma, Ken Krimstein dans celle de Libé du jeudi, Julia Mayle en dernière page du Figlitt avec son roman consacré aux déportées de la Louisiane et déjà acheté par 23 pays ; Olivier Rolin, en une du Libé du samedi 13 janvier. Moto Hagio écrivaine de mangas dans le MDL, titre, « Par le manga j’ai cherché à me libérer de ma mère ». En dernière page, Colum Mc Cann et son livre sur Diane Foley consacré à la mort du fils de cette dernière.

La semaine prochaine c’est BD et peut-être un peu d’actualité.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)

Tableau