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« Pourquoi suis-je né plutôt que le contraire ? Où est Dieu s’il existe ? Est-ce que je dirai un jour sans mentir « je meurs » ? Mes parents sont-ils les vrais ?» Edouard Levé est un auteur qui monte petit à petit dans les mémoires en raison de son œuvre exceptionnelle : photographe, peintre, écrivain, toutes ses idées sont bonnes. Il finit par rédiger Suicide avant de l’apporter à son éditeur et de passer à l’acte. Il multiplie les phrases destinées à le définir quel que soit le texte auquel il se consacre. Ainsi cloue-t-il au pilori Les dents de la mer au motif que le film invite à une expérience traumatisante qui déstabilise tout baigneur se livrant à la natation. Sujet plus léger ?

Allons bon ! Voici que la biographie de Philip Roth sort un peu partout dans le monde… tandis que son biographe, Blake Bailey, se voit accusé « de viols et d’inconduite sexuelle par d’anciennes étudiantes » comme nous l’apprend Thomas Stélandre dans le LibéL de ce jeudi. La biographie est un pavé extrêmement précis qui livre toutes les dates et les faits de la vie de Roth : « Qualité documentaires et littéraires comprises, souligne le critique, il est toutefois difficile d’envisager d’un côté le manuscrit et de l’autre la polémique : tout se confond -ce qui dans la surimpression du réel sur les écrits, finit par ressembler à du Roth dans le texte. » Et, de fait, son biographe détaille la vie sexuelle de l’écrivain, sinon avec complaisance du moins avec un partage de vue fondé sur une certaine proximité. L’article est complété par un entretien avec la principale traductrice de Roth en français, elle souligne surtout son humour.

Autre biographie, mais d’un auteur vivant celle-là. C’est Quentin Blake, illustrateur et auteur anglais de la trempe d’un Roald Dahl et il est en une de Livres et Idées, le cahier de La Croix ; il fait l’objet nous dit Fabienne Lemahieu, « d’une très belle biographie et d’un recueil de plusieurs de ses séries dessinées ». Son style ressemble à celui d’un Sempé en moins tranquille mais d’une même culture graphique (90 ans !) et sans doute d’un même humanisme dessiné : « J’ai toujours été attaché à cette dimension du dessin, savoir rendre la beauté et la laideur en même temps, l’éloge et la satire. Ne pas se contenter de la cruauté. »

Et de trois ! Après Dutourd et Cendrars voici Aragon en une du Figaro. Il est vrai qu’on a peu fêté le quarantième anniversaire de sa mort ce qui dit un peu de la place des poètes dans le panorama des lettres aujourd’hui. « Trop longtemps il a été mal lu ou mal perçu » nous dit Bernard Chambaz qui va plus loin encore dans l’entretien qu’il accorde au Figlitt « Aragon est le plus grand dans ce qui excède la poésie, c’est un génie du XXe siècle, comme Hugo en son temps avec le même souffle, car il a travaillé à partir de l’homme et du langage. » Thierry Clermont, qui introduit le dossier retrace sa biographie très contrastée entre succès et éclipses.

Les beaux livres investissent la quasi-totalité du Monde des Livres et, en une, David Hockney, en « peintre » de la modernité ou, à tout le moins artiste sur tablette. Mais, artiste quand même qui enchaîne les vues depuis sa fenêtre. Denis Cosnard est enthousiaste : « Ses tableaux deviennent des bijoux. De l’un à l’autre, le cadre ne varient guère que de quelques centimètres, selon la position de peintre dans son lit. Pourtant aucun n’est semblable à celui qui le précède. » Il varie décor, éclairage, variations sur un paysage dérobé par la nuit ou révélé par la lumière. Bref ,« un livre allègre et somptueux signé d’un artiste qui, matin après matin, ne cesse de créer. »

Prophétie et messianisme dans le dernier roman de Scholastique Mukasonga suivant la célèbre formule « J’ai rencontré Dieu, elle est noire. ». Une femme surgit « surnommée Sister Deborah, prend l’habitude de se jucher quasi nue sur une termitière avec une canne à la main, dont le pommeau représente une femme noire au sexe « gravé avec beaucoup de précision. » Cette femme parle aux femmes, annonce la venue d’une messie, noire, qui se réincarne sans cesse, même si ses incarnations connaissent des sorts peu enviables. Mais le récit de leur parcours demeure grâce à la narratrice, anthropologue guérie « grâce à une simple imposition des mains par Sister Deborah ».

Dans le pêle-mêle

Cette semaine le pêle-mêle sera pour les Beaux Livres avec notamment, L’histoire des lointains de Georges Vigarello, une histoire des bornes fantastiques du monde, une histoire qui montre comment les monstres surgissent à mesure que s’éloignent les limites du monde connu. Colette fixe (en avance puisque l’anniversaire des 150 ans de sa naissance est en 2023), l’attention de la critique à travers un certain nombre de livres et notamment un ouvrage consacré à la figure de sa demi-sœur aînée. Le MDL et La Croix ont aussi relevé L’intérêt des ouvrages consacrés à Quentin Blake, dessinateur qui s’exprime à travers un certain nombre de séries dessinées et dont le trait et les scripts peuvent faire penser à Sempé.

Portraits/Entretiens

On peut rencontrer Antonio Soler en dernière page du Figlitt, Thierry Clermont déroule sa biographie tourmentée même s’il n’est pas dans la plainte. Auteur méconnu à découvrir à travers son roman, Sud, une œuvre majeure selon le critique. Dans le même numéro on croise les figures de Churchill et d’Aragon.

Une semaine riche en références et en beaux livres à retrouver dans notre tableau.

Index des livres évoqués dans la presse de cette semaine