Chronique 25-14 Revue de presse du 17 au 30 mai 2025

Les Unes

Un dossier hommage à Jean Raspail dans le Figaro littéraire (22) pour le centenaire de sa naissance. Deux articles encadrent les photos de l’écrivain en baroudeur ou en arpenteur et la présentation de livres, sur ou de lui. Christian Authier retrace la carrière de l’écrivain en en faisant la victime de son succès avec Le Camp des saints, qui, pour lui, fait songer davantage à Sam Peckinpah, celui de La Horde sauvage, qu’aux récits de grand remplacement du RN : « Il y a aussi un côté kitsch, des lourdeurs, des maladresses, un nihilisme qui paraît forcé. Le romancier cherche encore sa voix. » Pour le critique, c’est la biographie que lui consacre Philippe Hemsen qui le saisit le mieux, retrace sa carrière fondée sur le voyage, toujours aventureux comme cette équipée en canoë de Québec à La Nouvelle Orléans ou le succès, télévisuel notamment, avec Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie.

Sébastien Lapaque se fend pour sa part d’un article de fond consacré à la génération des auteurs nés en ce qu’il nomme la classe 45 : Boudard, Nimier, Jaccottet et autres d’Ormesson. Il explore donc cette génération à l’aune des rapports qu’elle entretient avec la guerre. On y croise Giscard en char dont Nimier est jaloux, Boudard engagé au combat sur le front de la libération à l’est de la France et d’Ormesson… préparant Normale Supérieure. Bon, mais aussi Raspail acquitté après son adhésion au parti franciste « d’opérette ». Bref jamais vraiment clair.

Et hop ! une semaine après (29), la une du Figlitt pour Les écrivains au jardin. En fait assez peu de jardins, mais des espaces naturels dans lesquels Rousseau herborise, Sand philosophe et Olivier Liron se spécialise dans l’admiration des mousses. Et aussi, surtout, beaucoup d’animaux. Ceux auxquels s’intéresse Colette, chats et au-delà, animaux maltraités, albatros pour Jean-Noël Rieffel, un abécédaire illustré contemporain… et un autre, plus ancien, que l’on réédite, celui qui vit la collaboration de Jules Renard et Pierre Bonnard. Mohammed Aïssaoui nous l’assure, c’est la meilleure des histoires d’animaux et la collaboration la plus aboutie entre ces deux artistes, retirés à la campagne la quarantaine venue. 68 animaux en 240 pages, d’une ligne (la puce) à trois pages (les singes).

Badiou est en une du LibéJ (22), enfin, pas vraiment. Patrice Maniglier évoque essentiellement Jana Ndiaye Berankova, en « Eurydice indifférente à sa personne et préoccupée seulement par le véritable objet de leur amour commun, cette pensée dont le philosophe n’est que le véhicule et qui reste à côté de lui. » L’éditrice de Suture Press basée en Tchéquie produit de très beaux livres sur internet. Forme « exceptionnellement soignée : couverture toilée et estampée à chaud, motifs dorés, illustrations réalisées sur le modèle de l’Encyclopédie par un artiste contemporain » et avec ça une grande sagacité quant à l’œuvre qu’elle approche par le biais de l’entretien. Pour les idées on verra bien.

Deux unes pour Sherlock et deux volumes en « Pléiade ». Celle du LibéS (17) qui permet à Mathieu Lindon de revenir sur sa vie et celle de son créateur, Conan Doyle, lequel le déteste au point de le tuer. Dans les volumes on découvre les œuvres dites canoniques mais aussi les « extra-canoniques », ainsi que des nouvelles dans lesquelles le récit n’est pas conduit par Dr Watson mais par le criminel lui-même. Mathieu Lindon va même jusqu’à interroger l’homosexualité latente du personnage. Xavier Houssin du Monde des livres (23) reprend l’œuvre de Doyle de façon plus classique à partir de l’arrivée de Watson au 221B Baker Street. Particularité de cette édition soulignée par le critique, c’est Holmes et non Doyle qui occupe l’essentiel de l’album « Pléiade ».

D’autres Unes

Un autre Anglais en une du LibéS (31), Graham Greene et ce morceau de bravoure de Philippe Lançon : « Les lecteurs français de Graham Greene ont plongé dans ses abysses catholiques pleins de cavernes secrètes, de crustacés louches, d’épaves psychiques et de péchés sous pression au fond desquels vit cette chimère difficilement observable : la grâce. » C’est Claro qui en est le traducteur, nous l’avons déjà écrit, Greene était sensible à la traduction jusqu’à écrire qu’il préférait la version française de son texte. L’univers du crime ne se limite pas à l’Angleterre ni à son détective fétiche mais on le découvre également en une de Livres et idées (22) avec le nouveau roman de Philippe Claudel, Wanted. La tête mise à prix est celle de Poutine et la prime, un milliard, est offerte par Musk. Pour amateurs. Quant à Armistead Maupin, il vit en Angleterre, loin de Trump et fait l’actualité en faisant suivre ses personnages (10eme épisode des chroniques de San-Francisco) dans son exil, « Entre comédie et tragédie, feuilleton et grand roman, Armistead Maupin offre une catégorie transgenre propre à ravir tous les cœurs, » nous dit Juliette Einhorn. Cette fois c’est sûr, l’été et les lectures de plage ne sont pas loin.

Dans le pêle-mêle

L’Heure violette de Montserrat Roig séduit l’ensemble de la critique ce dernier mois. Dernier volet d’une trilogie (deux volumes seulement publiés en France) consacrée aux femmes de Barcelone sous et après Franco, elle multiplie les points de vue originaux (et plutôt féministes) sur la société catalane des années 70. Elle est morte à 45 ans en 1991. Ici, la question semble être « que faire de la liberté quand on est une femme ? » Les nouvelles de Graham Swift disent d’où elles viennent : l’Après-guerre. L’ensemble de la critique souligne la profondeur de ces nouvelles qui se cristallisent sur des moments ténus et intérieurs de la vie des personnages. Comme le souligne Florence Noiville dans le MDL : « Ce qui hante ses personnages est parfois infime ou anodin en apparence au point de donner l’impression fausse qu’il ne se passe rien. » Et pourtant dans chaque nouvelle se jouent de petits drames existentiels. La littérature anglo-saxonne compte désormais deux Swift.

La semaine prochaine, reprise d’un rythme normal pour nos cahiers, nous y serons pour vous !

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Revue de presse du 17 au 23 mai 2025

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