Chronique 25-11 du 12 au 25 avril 2025

Les Unes

Oulitskaïa superstar

Entretien dans LibéS (12) avec la vedette de la quinzaine, Ludmila Oulitskaïa, par ailleurs en une du Rendez-vous des livres (17) et du Figaro littéraire (17). Elle a quitté la Russie à 79 ans pour un exil berlinois auquel elle s’était préparée ; elle y possède un appartement depuis longtemps… à l’endroit même où s’élevait le mur de Berlin, là où des transfuges ont été abattus, ce qui crée, selon elle une certaine saveur. Elle affirme sa personnalité et sourit quand on lui dit que ses livres sont interdits : « il y a la politique et il y a le commerce. » De même assume-t-elle pleinement son statut d’écrivaine et l’importance de son œuvre ainsi que l’aide apportée par la France, elle en reconnaît pleinement le rôle. Le Figlitt complète ce portrait en l’intégrant à un triptyque de nouvelles voix, elles aussi en exil, Vassili Zorki (Paris) et Alissa Ganieva (Asie). Le premier essaie d’échapper à Poutine par le dépaysement, la seconde construit un récit en forme de thriller, dans les premières pages duquel un ministre de l’économie du régime se fait tuer en pleine rue, tandis que l’on affirmera officiellement qu’il s’agit d’une crise cardiaque. Déjà un classique.

Autres résistants, autres engagés

« Dans un petit livre blanc, sans flaflas, sans illustrations, sans revendications, Karim Kattan a écrit deux poèmes qui doivent figurer dans la mémoire de tous ceux qui aiment la littérature française contemporaine » nous prévient Jean-Marie Gustave Le Clézio, lui-même, critique occasionnel de Livres et Idées pour la semaine (24). L’un des poèmes évoque un jardin clos et caché qui transmet une image du paradis et l’autre pose la question de l’assassinat des enfants, lequel souvent se résume à un prétexte pour mener une guerre ignoble.

Résistant, George Navel l’était sans conteste, notamment à l’exploitation de l’homme par l’homme. On publie un inédit intitulé Contact avec les guerriers en même temps qu’on réédite certaines de ses œuvres. Frédérique Roussel de LibéS veut croire à une « effervescence ». Il faut bien admettre que l’écrivain (admiré de Giono) n’a pas encore rencontré la pleine renommée qu’il mérite. Son parcours d’ouvrier-paysan marque sa carrière littéraire, un engagement régulier, sans concession ni dogmatisme. Y compris, en étant jardinier chez Paul Géraldy, correspondant régulier de Groethuysen, travail dans lequel il s’investit sans hiérarchie entre le corporel (pas seulement le manuel) et l’intellectuel. Article enthousiaste et engagé.

Dossier fourni dans le Figaro littéraire (24) consacré au polar et aux héros récurrents qui hantent celui-ci.

Un article de François Rivière aborde les relations complexes qu’entretiennent les auteurs avec leurs héros. Les seconds vivant aux dépens des premiers qui sont condamnés à donner une, puis des suites, pour le bonheur des lecteurs (fussent-ils tyranniques) et pour l’argent, qui peut toujours servir. Bruno Corty pour sa part s’occupe des héros récurrents du polar contemporain, une floppée internationale de Steve Carella à Pepe Carvalho en passant par Montalbano et au-delà du seul genre policier, aux héros sériels. Pour l’actualité elle se résume à François Sureau qui annonce une série dont le héros, Thomas More, traverse les époques et à Jean-Christophe Rufin, dont le consul de personnage principal constituerait une projection de son auteur, aux coudées plus franches cependant.

Les autres unes en bref

Dans le MDL (18), une critique du livre que Fitoussi consacre aux rapports entre intellectuels français : Jean Birnbaum décortique l’ouvrage, laisse entendre ses exagérations et ses approximations et les questions qui demeurent pendantes, à revoir. Le RDVL (24) s’intéresse au livre de Manuela Draeger, autrement dit Antoine Volodine. Son Arrêt sur enfance a déjà sollicité l’intérêt de la critique qui rappelle qu’il s’agit là du 48e et avant-dernier volume des romans de Volodine, Alain Nicolas salue « Et pourquoi pas un envers des Mille et Une Nuits, où le conte doit se renouveler pour différer le meurtre ? » avant de l’évaluer ainsi « L’univers d’Arrêt sur enfance, sévère et tragique est paradoxalement ouvert ». Polanski revient sur la figure de son père et l’entremêlement de cette figure avec son propre parcours dans le ghetto et sa perception de la violence nazie. Comme il est difficile de faire un article sur Polanski seul, Philippe Lançon y joint une recension de La Douleur fantôme d’Hanna Krall, histoire de souligner que l’importance du récit dépasse la personnalité de son auteur.

Signalons aussi que cette quinzaine reste à l’image de cette rentrée de janvier, celle des auteurs du monde entier. Et plus particulièrement celle de Yōko Ogawa en une du Monde des livres (25). Amaury da Cunha rend hommage à son talent de novelliste même si elle écrit, aussi bien, des romans. : « Il y a du Proust chez Ogawa, mais aussi du Magritte souligne-t-il. Un mélange savoureux de profondeur spirituelle, d’onirisme, de malice. » L’écrivaine japonaise est marquée par une écriture fantastique qui propose sans cesse des décalages étranges par rapport à la réalité ; le fait qu’on ne les voie pas venir ajoute à leur monstruosité. Avec elle s’accomplit la dernière semaine de ce que l’on peut appeler la littérature étrangère de fin d’actualité, à savoir 1) des autrices, 2) de plus en plus lointaines et 3) autrices de nouvelles, ce qui les maintient a priori loin du cycle de l’actualité la plus chaude. Comme pour Gaël Octavia RDVL (24), autrice martiniquaise qui s’aventure du côté de l’absurde ; comme le souligne Muriel Steinmetz, elle « frôle sans cesse les bornes de la vraisemblance. Elle aime les situations incongrues ». Cette même semaine on évoque dans le LibéS, Rumena Bužarovska autrice macédonienne qui navigue entre podcasts et nouvelles et, pour ces dernières s’appuie sur des personnages féminins de la quarantaine qui, nous dit Louis Seiller, « voient leurs émotions exposées sans filtre, âprement moquées mais avec une bienveillance certaine. » Un peu dans le même registre, Ayfer Tunç, autrice turque évoque des hommes « qu’ils soient des maris, des pères ou des amants, ne s’intéressnt au fond que fort peu aux femmes qui les entourent. »

Pas sûr qu’il y ait beaucoup de cahiers livres les jeudis 1 et 8, mais de l’actualité sans doute encore.

Index des articles parus dans la presse du 12 au 18 avril 2025 (cliquer pour télécharger)

Index des articles parus dans la presse du 19 au 25 avril 2025 (cliquer pour télécharger)

Tableau de la semaine du 12 au 18 avril 2025

Tableau de la semaine du 19 au 25 avril 2025