Chronique 25-9 – du 22 mars au 4 avril 2025

Les Unes

Les prisonnières

C’est la quinzaine des prisonnières, avec un effet d’écho entre le Rendez-vous des Livres et Livres idées : époques différentes mais sorts communs. Deux prisonnières dont le premier point commun est d’être des femmes. La première, par ordre d’apparition chronologique est la fille de Marie-Antoinette dont le destin est actualisé par le roman de Victoria Mas. Christophe Henning nous rappelle que « L’heure de Robespierre étant passée, la princesse devenait un embarrassant bouc émissaire. » Le narrateur de ce roman épistolaire est le gardien (fictif) de la jeune fille (14 ans) ; il admire son flegme, même s’il est un révolutionnaire convaincu. Il est à noter que le précédent roman de l’autrice traitait des « folles » de la Pitié Salpêtrière, sou forme de roman-enquêt, genre de plus en plus présent.

Adèle Yon qui est à la fois chercheuse, cheffe de cuisine et écrivaine mène aussi une enquête, même s’il s’agit là d’une affaire familiale, sur les traces de son arrière-grand-mère morte et honnie. On y trouve un mari toxique, 6 enfants dont l’un suicidé comme pour attirer l’attention, un grand père violeur et un château qui brûle la veille d’un mariage. On s’en doute, la famille est « toxique » comme on dit aujourd’hui ; résultat, internement pour l’aïeule et…lobotomie demandée par le mari. Sophie Joubert du Rendez-vous des livres souligne : « si singulière soit-elle, jusque dans ses recoins les plus effrayants, la trajectoire de Betsy croise celle de dizaine d’autres femmes dont le corps et le cerveau furent l’objet d’expériences comme autant de tentatives de domestiquer des caractères hors norme et des personnalités rebelles. »

A propos de personnalités rebellesc’est aussi la quinzaine de Chimamanda Ngozi Adichie en une de LibéS (29/03) et du Monde des livres (04/05). Florence Noiville retrace dans ce dernier le parcours de l’écrivaine qui passe par une reconnaissance foudroyante avec Americannah en 2015, avant une bifurcation vers les écrits d’engagement et enfin, retour à la fiction avec son nouvel ouvrage, L’Inventaire des rêves. Le roman « Entrelace sur plus de 600 pages rêves espoirs désirs mais aussi déceptions, frustrations et parfois de quatre africaines. » Africaines certes, mais aussi Américaines à l’image de l’autrice, Nigériane qui vit sur les deux continents. Il y est beaucoup question de mariage et de maternité et l’autrice qui répond aux questions de Frédérique Roussel dans LibéS souligne que ses personnages masculins ne sont pas si négatifs qu’on le dit : « Ce sont des hommes. Il ne faut pas avoir trop d’attentes. » L’une de ses héroïnes est néanmoins directement inspirée de l’affaire Nafissatou Diallo. Même si elle pense que « l’Amérique recule », elle s’engage du côté des mots et des idées car elle pense qu’ils sont de plus en plus importants et elle se propose d’écrire davantage de fiction à présent. Peut-être un peu woke.

Le polar en force à l’occasion de Quais du polar.

« Toutes les couleurs du roman noir » nous promet le Rendez-vous des livres en se focalisant sur une approche par pays. On retrouve l’inévitable Indridason et l’Islande en ouverture, mais aussi le Bologne de Lucarelli et encore le Liban, l’Algérie et Israël. Chaque terroir délivre un cadre mais c’est aussi la dimension politique voire géopolitique (Israël, Liban) qui se dégagent à la lecture des différents résumés critiques. Un dossier roman noir pour le Figaro littéraire également, plus classique cependant avec d’un côté les vedettes du genre, Pélécanos, Lemaire ou encore Caryl Férey, une photographie de la belle époque du roman noir Duhamel et Lebreto. Mais aussi des livres qui interrogent des faits divers récents en dépassant le simple récit des faits, comme celui qu’Agnès Grossmann consacre à Monique Olivier ou encore celui de Sabrina Champenois sur les « Suppliciées d’Appoigny ». Ce livre-enquête paraît dans une nouvelle collection, collaborative entre Society et 10/18.

Encore plus classique, le Monde des livres (28/03) consacre sa une au « Quarto » de Boileau-Narcejac. Ce volume d’œuvres complètes insiste sur les liens entre les auteurs et le cinéma, notamment les maîtres comme Clouzot ou Hitchkock et les deux auteurs français. Si l’on a un peu perdu de vue les romans en tant que tels, l’angle fourni par l’approche cinématographique souligne l’étrangeté des personnages : « Ce sont bien souvent des créatures perdues, fragiles, ambivalents, paranoïaques, en danger de mort ou sur le point de basculer dans la folie. » Le cinéma les a transformés en héros fantastiques.

Le pêle-mêle des auteurs de unes.

Avant le dossier sur le polar dans le Figlitt (03/04), un article consacré au Grass inédit, Prendre la pose, dans lequel « il raconte avec beaucoup de fantaisie, sa fascination pour une statue polychrome du Moyen Âge placée dans la cathédrale de Naumbourg », nous dit Thierry Clermont qui en profite pour retracer l’épopée de l’auteur. Vie et œuvre, avec Mon siècle en point de mire, ouvrage dans lequel le prix Nobel retrace en « 100 brefs chapitres correspondant chacun à une année » une histoire personnelle du siècle.

Philippe Tesson, pour sa part, s’est consacré aux stacks, pilier rocheux témoins d’un recul de la côte (façon aiguille creuse d’Etretat), nous dit Christophe Henning. Il en a gravi une cinquantaine sur cent qui n’avaient jamais été conquis par l’homme, peut-être parce que cela n’a aucun intérêt.

Auteur étonnant, Max Lobe dit : « La guerre ce n’est pas ce qu’on imagine, pendant la guerre on continue d’avoir des plans cul, d’aller en discothèque, de faire des enfants. Mais un jour, on nous demandera des comptes, surtout à nous, les artistes, les intellectuels. » un écrivain désinvolte et profond en même temps qui, né au Cameroun, vit en Suisse fabrique son pain et sa bière, tout en abordant les questions de fond et en dansant. « A près de 40 ans, dit-il à Frédérique Fanchette, je suis plus que jamais dans l’attente de ma vie, mais j’ai envie de dire que si je trébuche dans la danse de ma vie ça pourra s’arranger. Mais si je fais un faux pas dans la restitution de de la grande histoire de la vie, là ça ne va pas. » Une découverte des lettres. Queer et woke.

« Le projet d’une lecture intégrale de l’ouvrage tient de la démence », c’est Guillaume Tion qui le dit dans le LibéJ du 27/03. De quoi parle-t-il ? Des écrits de Ravel qui s’étendent sur 2934 pages, correspondance essentiellement, qui témoigne de son caractère marqué, puis de ses problèmes neurologiques. Mais aussi une grande modernité dans la pensée et une sensibilité littéraire inattendue.

Enfin, écrits autour de Zola, un Zola différent, un Zola à bicyclette, un Zola volage dans le Figlitt. Ce qui nous vaut un portrait de sa femme et, par-dessus le marché le Zola Inattendu qu’on nous promet dans le titre du dossier, celui de l’auteur d’un nouveau « Pléiade, consacré à ses trois romans de villes, Lourdes, Rome et Paris. » Lourdes sera son roman le plus lu au moment de sa mort, nous rappelle Thierry Clermont bien plus que les Rougon Macquart.

Une quinzaine riche en découvertes, c’est le propre des semaines d’après-actualité. A la semaine prochaine cette fois.

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Index des articles parus dans la presse du 29 mars au  4 avril 2025 (cliquer pour télécharger)

Tableau du 22 au 28 mars 2025

 Tableau du 29 mars au 4 avril 2025