Chronique 25-7, revue de presse du 1er au 7 mars 2025

Les Unes

Unes communes pour le Figaro littéraire et Le Monde des Livres cette semaine, consacrées aux livres qui évoquent musique et musiciens et comme figure principale Maryvonne de Saint Pulgent qui interroge les liens entre pouvoir et musique. Jacques de Saint Victor voit là un livre « brillant » qui « décrypte cette façon si hexagonale d’encourager la musique par un mécénat officiel au risque de finir par « l’entraver » en encourageant le rôle courtisanesque de ses « musiciens officiels ». Nicolas Weill pour le MDL ne nie pas cet aspect mais souligne qu’elle excelle également à mettre en scène les innombrables débats qui ont agité la vie de la critique musicale, italianisants contre musique française, Rameau contre Rousseau, etc. L’un comme l’autre rappelle qu’elle épingle le caractère à la fois ombrageux et courtisan de Boulez, tandis qu’elle met en évidence la réussite d’un Ravel étranger à toute institution. Est salué également le livre d’un spécialiste, praticien et analyste de la musique baroque. Ce genre qu’il a défendu aux côtés de Jordi Savall, Frédérick Haas constate qu’il est à nouveau en déshérence mais il le défend dans un livre au titre comme en suspens Musique baroque?.

Enfin un ouvrage consacré à Satie par le talentueux biographe Patrick Roegiers, confirme que ce sont les esprits libres du début XXe qui sont aujourd’hui reconnus. Même si Satie voit en Ravel un compositeur « d’avant-hier » rapporte Thierry Clermont et que Boulez voyait en Satie « Un talent mineur et inexistant ». Heureusement, nous dit Roegiers, « Le nom de Boulez est plus connu que sa musique. »

Moins connu que Gide, Martin du Gard et même Schlumberger sans compter Gaston Gallimard, Jacques Rivière accède à la publication posthume avec Critique et Création, volume publié par… Bouquins. Cela peut sembler étrange pour ce promoteur de la NRF qu’il dirigea et mit sur orbite avant Paulhan. On y découvrira à la fois l’extrême précision du goût et du regard sur les œuvres ainsi que des textes de création et un roman pas très convaincant qui font de lui « un écrivain mais pas un romancier » comme le souligne Claire Devarrieux pour le LibéS. Peut-être ce découvreur et ce promoteur des travaux des autres ne pouvait-il pas dépasser la réalité, lui qui avait rédigé un roman intitulé Aimée, dans lequel il retrace sous pseudonyme son amour pour la femme de son éditeur, Gaston Gallimard.

« Comme un sentiment de précarité sans remède » qui le laisse à jamais désenchanté, nous dit Marianne Meunier en une de Livres et idées, citant en partie le dernier livre de Saviano consacré à la figure tutélaire du juge Falcone, côté cour et côté jardin. Elle ajoute que le livre présente un juste équilibre entre « enquête journalistique et portrait intime ». Biographie qui offre comme un effet de miroir, un écho, « référence » pudique à celle de son auteur, un écrivain bénéficiant d’une protection policière à vie depuis qu’il a mis au jour les agissements d’une famille mafieuse napolitaine.

L’écrivain israélien, Dror Mishani est formel « un pays sans Palestiniens ne sera plus le mien. » Il est à Paris au moment où son journal paraît et extrêmement pessimiste sur l’état de son pays. Ecrivain de romans policiers, il bifurque vers la forme du journal au sortir du 7 octobre : « autant dire les choses telles que je les ressens ». Et il n’y va pas par quatre chemins : « un an et demi plus tard je suis bien plus désespéré qu’alors. Et j’ai très peur que le pire soit devant nous. Il y a beaucoup trop d’Israéliens qui s’imaginent qu’un Israël sans les Palestiniens de Gaza est possible ». Et encore au-delà il note dans l’entretien qu’il accorde à Alexandra Schwartzbrod « En Ukraine, il paraît qu’on lit beaucoup plus depuis le début de la guerre, notamment de la poésie. En Israël, c’est le contraire, les gens ne lisent plus de romans, ils regardent surtout les informations ». Il envisage donc de quitter le pays.

Le seul message positif de la semaine sera donc celui délivré par Laure Limongi en une du Rendez-vous des livres : « Le legs de l’humanité n’est pas perdu. » Clin d’œil au titre du journal, non. Elle signe son retour avec une fiction de science assez audacieuse parce qu’il y est question de chimères, autrement dit, d’êtres hybrides qui se révèlent créatifs en leurs récits, textes fictifs que crée LL pour l’occasion. Le texte se présente donc comme l’émanation de cette nouvelle culture, écrite par une chimère cachalot ou poulpe. La planète est noyée et l’évolution des espèces s’est emballée comme l’imagination de l’autrice.

Dans le pêle-mêle

Deux femmes dont on parle depuis plusieurs semaines dans nos cahiers même si jamais en première page. D’un côté Adrienne Rich qui, selon Denis Cosnard du MDL, aurait dû être traduite depuis longtemps en français (il y a même une thèse consacrée à ce sujet). Cette femme est pourtant celle qui à 40 ans prit le virage d’une nouvelle vie en allant vivre avec sa psychiatre. Entre 1974 et 1977 elle écrit l’essentiel de ses poèmes amoureux dans un recueil intitulé Le Rêve d’un langage commun qui dit les liens entre vie amoureuse et découverte d’une expression nouvelle. Ann Patchett semble loin de tout cela, elle qui raconte le regroupement d’une famille dans une ferme, dont les membres « s’entendent suffisamment bien pour passer le confinement ensemble. » On revient sur la vie d’avant lorsque l’héroïne, Laura, était comédienne et le fermier cueilleur de cerises metteur en scène. Virginie Bloch-Lainé souligne qu’il s’agit d’un roman rural « sans relever non plus du nature writing. Amour, espoirs de jeunesse, psychologie et cerisaie en sont les composants », et Tchekhov alors ?

Le meilleur titre de la semaine (quoique vachard) dans le Figlitt « Decepción » à propos du livre de Neige Sinno intitulé La Realidad ; A la semaine prochaine.

Index des articles parus dans la presse de cette semaine (cliquer pour télécharger)