La chronique sonore… D’un côté le libéralisme européen, de l’autre la détestation des partis, et du système, un débat littéraire. J’écoute le teaser audio.

 

Des écrivains américains en une ce jeudi, mais aussi Hitler et les migrants.

Libé ouvre sur les nouvelles de Francis Scott Fitzgerald et leurs personnages toujours en danger : « Dans les meilleures nouvelles, nous dit Philippe Lançon, les deux états s’équilibrent. La fantaisie règne, le désastre rôde ; elle règne parce que le désastre rôde. » Le critique nous pose la question de la réussite de ces textes, de leur nécessité. Grasset et fayard ont supprimé toutes les notes du texte américain : « C’est regrettable : quand on lit un des inédits refusés d’un auteur de cette trempe, on veut connaître leur source et leurs destins.» Certaines nouvelles sont tout de même des perles, nous dit le critique qui souligne le talent de l’auteur et les commentaires ironiques d’Hemingway qui le compare à un « mathématicien « qui aime vraiment les mathématiques et qui obtient toujours des solutions erronées aux problèmes. » (Je me  tuerais pour vous et autres nouvelles, Grasset-Fayard)

On retrouve ledit Hemingway portraituré à travers ses épouses en une du Figaro littéraire essentiellement au sujet de Mrs Hemingway au Quai Voltaire ; Dossier présenté par Françoise Dargent qui souligne le talent de l’auteur, Naomi Watts.

L’ordre du jour d’Eric Vuillard (Actes Sud) Ouvre le cahier livres de La Croix : « A l’heure des caméras embarquées, de l’info en continu et du tout-images, Eric Vuillard nous donne à voir et à entendre les épisodes cruciaux d’un passé où le rapport au temps et à la médiatisation des faits était tout autre. » L’auteur recrée les rencontres entre industriels allemands et Hitler. Les Damnés dans leur totalité en quelque sorte.

Patrick Chamoiseau en Une du Rendez-vous des livres : « bouleversant parallèle entre les navires de la traite négrière et les frêles embarcations de l’exil forcé d’aujourd’hui » souligne Muriel Steinmetz à propos de Frères migrants (Seuil). Loin des bons sentiments et, surtout, de l’acceptation des bons sentiments, l’auteur déroule une critique globale du tout-mondialisation qui refuse le migrant au nom de la préservation du monde pour-soi.

 

On en parle encore et toujours…

Du côté de l’histoire et des idées, signalons que c’est LibéL qui s’intéresse cette semaine à Nikolaï Iejov, artisan de la terreur stalinienne. Alexeï Pavlioukov montre comment l’homme, médiocre et alcoolique devient l’artisan précis d’une « répression aussi barbare qu’injustifiée », censée maintenir cohésion et obéissance au régime à la veille de la guerre. (Le fonctionnaire de la grande terreur, Gallimard « NRF Essais ».

La Croix et le Monde des Livres accueillent  avec intérêt le livre de Nathalie Heinich consacré à la sociologie des valeurs : « A l’image d’une spécialiste de la grammaire, qui rend compte des régles de fonctionnement d’une langue (sans s’intéresser au contenu, ni à la validité de ce qui est dit), elle nous éclaire sur notre rapport aux valeurs. » nous dit Elodie Maurot.

Dans l’entretien qu’elle accorde à Julie Clarini elle met en évidence leur rôle dans la vie sociale en cas de transgression : « que se passe-t-il ? On invoque des valeurs. Et quand on n’est pas d’accord sur les valeurs  et que le débat ne suffit pas, on remonte à la loi. Et si la loi est inopérante, on recourt à la violence. » Des valeurs. Une approche sociologique, Gallimard. Elle en fait le point de référence d’une sociologie qui rapproche, « le territoire du commun ».

D’un côté plus léger, le livre que Dominique Bon a consacre à Colette et ses amies Colette et les siennes durant les années de la première guerre qu’elle passe avec elle dans un curieux phalanstère-chalet de Passy va bien au-delà de l’anecdote pour mettre en évidence une démarche féministe réelle car réalisée.

Du côté des chroniqueurs, valeurs sûres et valeurs montantes, Mathieu lindon revient vers une figure des lettres partagée entre humour et horreur, Danilo Kis – Psaume 44 et La mansarde sont deux textes traduits du serbo-croate chez Fayard ; deux récits aux deux extrêmes de la littérature : « l’évasion d’Auchwitz-Birkenau de deux femmes dont l’une vient d’accoucher », l’autre « désinvolte et fantaisiste, dit la Bohême des années 1950 en différentes scènes qui évoquent à la fois Witold Gombrowicz et André Breton. » Wolfgang Hermann et son Adieu sans fin (Verdier). La mort du fils est au centre du récit, celui du père universitaire : « Chacune de ses phrases  comme une mesure laser des dégâts occasionnés. Sans pathos, ni encore moins sensiblerie. Seulement la réalité de ce qui s’effondre.»

Etienne de Montety choisit l’Amérique, celle de la délinquance et de la fuite en avant dont il nous assure cependant que Rebecca Scherm a soigné la complexité, notamment celle de ses personnages. Le titre constitue un programme Le passé aux trousses (Stock). Photographies, sièges de coiffeur, piano de Casablanca (le film) une série d’objets se raconte dans un recueil de Philippe Glass intitulé Regards (Eyes) et publié dans la collection engagée du côté de la littérature « Lot 49 » au cherche-Midi. « il y a du Faulkner dans cet art d’ordonner tout un monde sur un lopin, et du Nabokov dans les éclats d’humour poétique  que lancent les phrases en prenant leur virage. »