La littérature noire à l’honneur depuis deux semaines : des écrivains d’une nouvelle trempe et, parmi eux, beaucoup de professionnels de la chose policière. Mais aussi des philosophes des voleurs et des poètes…j’écoute la chronique audio.

 

Unes et dossiers.

Une cabane nommé littérature. C’est le plus joli titre de la semaine et il est pour Livres et Idées de La Croix. Il se pourrait en effet que la littérature apparaisse comme un refuge en des temps troublés, une cabane à construire soi-même ou dans laquelle grimper pour échapper aux vicissitudes de l’existence.

Or Cette année la nouvelle est très productive et ce sont celles de David Bosc qui composent Relever les déluges chez Verdier et aussi la cabane littérature : quatre textes, c’est-à-dire 4 portraits du XIIe au XXIe siècle en ouverture de La Croix qui titre une cabane nommé littérature.

Nouvelle aussi en une du Figaro littéraire celle de Francis Scott Fitzgerald qui sont traduites pour la première fois en français. Éric Neuhoff dont on sent bien que l’écrivain lui est un totem décrit un homme à la fois épuisé et libéré par le succès. «L’ère du jazz est révolue. Une musique plus nostalgique s’élève. » Situations variées, histoires assez typiquement newyorkaises et qui n’ont pas l’air si originales mais c’est tout de même un inédit de cet auteur  léger au bon sens du terme, qui voit s’associer à cet égard Grasset à fayard pour en assurer l’édition.

Hannelore Cayre fusionne deux mondes qu’elle connaît bien, c’est Alain Nicolas qui dans le Rendez-vous des livres pour l’Humanité résume le mieux le centre du roman dont l’héroïne est une traductrice de l’arabe « une recrue de choix, mais payée au black, sans Sécurité sociale ni retraite, qui écoute et traduit le détail de l’économie transméditerranéenne du cannabis. »

Souvent dans son édition du jeudi LibéL étonne : par exemple cette semaine c’est d’offrir la une à Patria, un roman pas encore traduit en français et qui retrace l’épopée de l’ETA, précisément, sans en faire une épopée mais en en retraçant l’histoire d’un point de vue romanesque, à la Gomorra : il s’agit cependant d’un ouvrage précis sur le plan historique au point qu’il connaît un succès absolu pour pays basque.

Ce samedi Philippe Lançon pour Libération cherche à faire la part des choses sur l’oeuvre de Zamiatine Nous retraduite par Hélène Henri chez Actes sud : ceux qui en font une source comme Nabokov ou Orwell ceux qui l’aiment moins et ses particularités profondes : « les visages dont dans l’œuvre de Zamiatine, sont des gros plans qui concentrent son art, son œil : métaphore, géométrie, satires, détails, expression. Du Chagall et du Charlot et du Malevitch. » ; ce révolutionnaire « fils d’un prêtre et d’une fille de prêtres » n’est pas tant préoccupé par les sévérités et les dérives du régime que la possibilité d’une dystopie machiniste. Il est avant tout écrivain, Tsvetaïeva et Berberova seront deux femmes présentes à son enterrement.

Spécial polar une et dossier dans l’Humanité avec en ouverture un entretien entre Sandrine Colette et Muriel Steinmetz :  « je n’ai pas peur de la page blanche dit-elle j’ai peur de l’idée blanche » Les larmes noires sur la terre aux éditions Denoël raconte un ghetto d’aujourd’hui, une casse dans laquelle les gens vivent au fond de voitures : «j’écris des romans noirs c’est-à-dire des romans sombres» ajoute l’auteure qui, c’est une habitude en ce moment chez les écrivaines, habite le Morvan et élève des chevaux.

Côté polar également on notera qu’après les commissaires et les avocats c’est au tour des chroniqueurs judiciaires de s’y lancer mais pour raconter cette fois-ci leurs mémoires.

Willy le Devin écrit pour libération un portrait de sa consœur qui s’il est lardé de clins d’œil ne sent pas pour autant la complaisance. Faits diversière dans l’âme, elle passe sa vie au 36 comme, son livre s’intitule donc Le 36, histoires de d’indics et de tueurs en série, et c’est intéressant car elle vit avec un autre poulet Frédéric Péchenard qui deviendra directeur général de la police nationale. Une référence ? Pour son pot de départ après 30 ans passés à Libération il y avait commissaires et truands qui discutaient entre eux.

Du côté des chroniqueurs

on finit toujours par rééditer les Histoires désobligeantes de Léon Bloy « Une extrême richesse de vocabulaire, à la hauteur de la violence mise en jeu, est sans cesse déployée pour s’en prendre, par-dessus tout aux gens comme il faut » Un style très XIXe fin de siècle, complexe et cruel. Mathieu Lindon rejoint sur ce terrain Borges qui les édita dans les années quatre-vingts (F.M Ricci).

Bruno Frappat rejoint la troupe des admirateurs de Denis Grozdanovitch (Grasset). « C’est du côté de la bêtise qu’il faut chercher l’intelligence. Du côté des peuples « primitifs », des « idiots du village », des  « lents », des « méditatifs », des « flemmards.» Pour Frappat l’un desmérites du livre de Grozdanovitch est « comme tout livre utile de nous donner le sentiment d’être intelligents à sa lecture, dans le sillage d’un auteur qui ne se pose pas en docteur d’une nouvelle religion critique opposée aux autres. »

Il n’est pas certain que « Frégoli de l’écriture » soit un compliment à part entière, néanmoins c’est la formule que réserve Etienne de Montety à F-O Giesbert qui signe un roman des croisades en forme d’épopée.

Cette fois c’est au début de roman et même aux premières phrases que s’attaque Éric Chevillard la page est là, l’écrivain est prêt : « la trappe est ouverte à ses pieds, découpant un rectangle de ciel blanc, la béance du vide. Il saute. » Dès lors le parachute fonctionne ou non, nous dit Éric Chevillard pour y réfléchir il se fait accompagner de Laurent Nunès et son Enigme des premières phrases chez Grasset. En partant de 17 incipits l’auteur tente de définir le sens pris par les débuts et parfois restituent à quelques-uns d’entre eux une curieuse fraîcheur, comme ce début de Rousseau que nous connaissons tous : Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Prétentieux Rousseau ? Non, il raconte sa vie et personne ne peut la raconter à sa place, voilà, point final.