Cette semaine la critique, chroniqueurs compris semble se recentrer sur la production française et pas seulement celle des « vedettes », ainsi à côté des écrivains annoncés comme Pennac ou Decoin on découvre des auteurs dont l’oeuvre se construit doucement telle celle de Jean-Marie Rouart ainsi que des découvertes, avez-vous entendu parler Thierry Hesse, Jean-Emmanuel Ducoin, ou Dimitri Botnikov ? j’écoute la suite sur le teaser audio…

Les Unes : des unes contrastées cette semaine, comme si l’actualité de la rentrée de janvier était déjà éventée.

Avec Tintin et les soviets roses Quentin Giraud raconte pour LibéL la colorisation de Tintin et le soviets, le premier album d’Hergé : « Le choix des couleurs est à la fois documenté comme celle du bidon Shell, et libre : le reporter a le visage beige tandis que ceux de ses ennemis sont roses alcooliques. » (Edition Moulinsart Casterman.)

Jeu de mots annagrammatique en une du Figaro Littéraire : Tsar des lettres, star des médias. Il s’agit d’introduire un dossier consacré à Jean-Michel houellebecq (déjà un Cahier de l’Herne aux éditions du même nom !) et son essai En présence de Schopenhauer dans la collection « Carnets » du même éditeur. A lire dans ce cahier le portrait libre, décapant et bref brossé par Juan Manuel Prada, un hommage absolu « Houellebecq est le fils de cette époque châtrée en phase terminale (…) Houellebecq est le fils de toute cette merde… » A relativiser cependant si l’on en croit l’introduction de Thierry Clermont ; pas assez d’inédits et quelques articles assez vides.(Rappelons que la semaine dernière dans le MDL, Eric Loret soulignait l’ambiguïté de la consécration universitaire couplée au discours de victimisation. Avec France Histoire ouverte et Le roman Impossible, l’écriture comme champ de bataille, La Croix et l’Huma tendent à se rejoindre dans le questionnement de l’identité française sans en passer nécessairement par les gémissements de l’identité nationale. L’Histoire mondiale de la France offre il faut le dire un bel exemple de décentration : à travers une liste d’articles courts rangés par ordre chronologique, les auteurs se proposent une histoire « éclairée par de nouveaux points de vue, d’entendre les échos surprenants venus du lointain. » Elodie Maurot enfonce le clou «  A rebours des lectures patriotiques, idéologiques, identitaires, l’Histoire mondiale de la France se place dans le sillage de Lucien Febvre. » Beaucoup de dates surprenantes comme cette « venue des Gaulois au sénat de Rome en 48. » Le MDL associe ce premier livre à un second par la plume de Julie Clarini, L’Histoire de France vue d’ailleurs dirigé par Jean-Noël Jeanneney et Jeanne Guérout aux Arènes.

Pour L’Huma et à l’occasion de la publication du livre de Thierry Hesse Le roman impossible, Sophie Joubert souligne le talent du jeune romancier

Le Monde des livres quant à lui met à la Une l’écrivaine américaine, Lorrie Moore (Merci pour l’invitation, L’Olivier), nous y reviendrons bientôt.

 

Du côté des chroniqueurs on partage ce goût pour la littérature nationale.

Jean –Claude Lebrun rend hommage à jean-Marie Rouart (Une jeunesse perdue) qui évoque l’âme d’un « vieux dandy » qui reprend vie sous le coup d’une passion amoureuse ; cela commence comme un roman mondain nous prévient-il mais très vite «un autre roman s’enclenche en même temps, sorte de quête ultime et fuite en avant autodestructrice. » Benoît Duteurtre souligne dans le Figlitt le parallèle possible avec l’auteur, moins jeune mais toujours du côté du romantisme sombre ; sans effet spéculaire accentué cependant, « tout en restant fidèle à lui-même, (il) sait merveilleusement se jouer des clichés, comme de ses propres obsessions. »

« Conteur-né » qui « contrôle à la perfection ses propres obsessions » pour Bruno Frappat, l’écrivain de la semaine est Pierre Péju avec Reconnaissance, un livre dans lequel les souvenirs d’une vie sont morcelés, les notes des petits moments deviennent autant de contes « parfois cruels, souvent jolis, étalés comme les cent et une pièces d’un puzzle en trois dimensions qui ne s’emboîtent pas. » L’ensemble, nous dit le critique constitue peut-être «une manière d’apprendre à vieillir ».

Dans cette semaine décidément très française on retrouvera Eric Chevillard, mais cette fois, agacé par le livre de Marc Lambron (de l’Académie française) dont il se plaît à souligner la grossièreté du propos dans son journal de 1997 quui raconte comment il a « raté » le Goncourt. Ironie mordante sur l’ensemble de ce récit, on l’aura deviné totalement insipide et boursouflé aux yeux du critique : « Il ne s’efface pas tout à fait cependant et, quand ses amis oublient de le féliciter, il décroche avec abnégation sa serpette et descend au jardin se couper quelques lauriers. »

Quant à Etienne de Montety, il s’intéresse à un roman italien, non celui d’Elena Ferrante mais celui de Michela Murgia, Leçons pour un jeune fauve (Seuil) dont « le roman nous dit-il, est un électrocardiogramme qui raconte les mouvements de l’être féminin. Une comédienne façonne un jeune violoniste à la manière de Pygmalion mais elle n’en tirera pas tout ce qu’elle désire, il est beaucoup question d’amour dans cette chronique.